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Ukratio, pour une société vraiment plus juste, durable et fraternelle
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Concrétiser l'amour

Texte initialement publié via le forum, concernant l'intérêt de consigner ses activités dans le logiciel d'avancement des tâches ( oru).

Comment aimer ?

Tout d'abord, de quoi parle-t-on ? Difficile de définir l'amour, tout au plus peut-on en décrire les manifestations. Je parle ici de l'amour qui induit la bienveillance, l'altruisme, à ne pas confondre avec la simple appréciation de quelque chose ou de quelqu'un.
Cet amour, se traduit intérieurement par un sentiment serein et agréable, ainsi que par une intention d'accroître le bonheur d'autrui (ce qui commence évidemment par la réduction de sa souffrance). Celui qui aime va donc chercher à accroître le bonheur d'autrui.
Cependant, l'amour n'induit pas forcément l'accroissement de ce bonheur puisque la bonne volonté ne suffit pas à la réussite d'un projet. Il y faut encore l'intelligence, la raison, qui permet de séparer le vrai du faux. Une personne trop crédule pourrait par exemple tuer quelqu'un en lui administrant un poison dont on lui aurait dit que c'est un remède.

De plus, l'amour n'est pas forcément facteur d'harmonie dans la mesure où l'on peut favoriser certaines personnes, que l'on aimerait plus, par rapport à d'autres. Ce faisant, il s’accommode parfaitement de la compétition et même de la vengeance (on pourra vouloir venger ceux que l'on aime). On parle parfois, à ce sujet, d'égoïsme généralisé. Des gens se font la guerre, parce qu'ils défendent les intérêts de leur famille ou de leur peuple. On voit que pour être facteur d'harmonie, l'amour doit être égal et universel. Contrairement à une idée reçue, cela n'a rien d'irréaliste, puisque nous ne parlons pas ici de l'amour appréciation... mais bien d'une attitude morale.
Ainsi, l'harmonisme rationnel, en visant le plus grand bien être de tous, est l'attitude que l'on peut placer à l'opposé de l'égoïsme.

Tout ça, c'est la théorie de base. Reste à pratiquer, ce qui commence par la question « qu'est-ce que je peux faire de mieux, là, maintenant ? »
Qu'est-ce qui accroît le plus le bonheur total ? Ce bénéfice n'est certes pas toujours évident à estimer, il n'est généralement pas certain, surtout s'il concerne le long terme. On peut cependant penser qu'une action mûrement réfléchie en vue du bien commun a plus de chances d'avoir des conséquences positives qu'un acte impulsif qui ne s'en préoccuperait pas, ou même qu'un acte inspiré par l'amour, mais moins réfléchi.
Le bonheur total s'obtient en sommant les niveaux de bien-être. On va donc privilégier (toutes choses égales par ailleurs) ce qui accroît le bien-être d'un plus grand nombre de personnes, et pendant plus longtemps. D'où l'intérêt des projets à grande échelle agissant sur les causes des problèmes, par opposition à une action dont l'effet est peut-être plus visible mais plus limité.
La qualité et l'intensité du bonheur comptent également, bien sûr. Or, tous les bonheurs ne sont pas égaux. Ainsi, le bonheur qui résulte d'une certaine sérénité intérieure, d'un savoir-apprécier les choses est non seulement plus durable mais encore plus profond que celui qui suit la satisfaction d'un désir de jouissance ou de possession d'un bien.
On va donc tout naturellement privilégier le premier.
D'autant que le second a des conséquences négatives sur le long terme, la possession alimentant la cupidité et les conflits.
De plus, quiconque expérimente l'amour (qui résulte de la quête de sérénité intérieure) est, à son tour, un vecteur de bonheur (à condition que cet amour s'accompagne de suffisamment de raison)... C'est le principe de la réaction en chaîne : contrairement à un ricochet, qui finit par s'arrêter, la chose risque de s'amplifier, d'où des conséquences nettement supérieures.
Il semble donc qu'il faille privilégier une action éducative dès le plus jeune âge ou une transformation "intérieure" à l'âge adulte, à une gratification matérielle.

D'autres considérations plus "extérieures" ne peuvent cependant être négligées. La menace écologique, par exemple. Si tout le monde disparaît, le bonheur total sera sérieusement affecté ! Sans même envisager une telle extrémité, si les ressources ne cessent de se raréfier et la pollution de s'amplifier, la souffrance induite va être considérable. La souffrance physique ne peut être négligée. Ne serait-ce que parce qu'il est difficile de philosopher lorsqu'on a le ventre vide ou que sa survie est constamment menacée.
Or, si l'on veut une action efficace, il faut s'attaquer aux causes, plutôt qu'aux symptômes. L'origine de la misère n'est pas technique, car on produit bien plus de nourriture que ce qui serait nécessaire pour nourrir tout le monde. Elle est donc humaine. Il en est évidemment de même pour les conflits.

On pourrait dire que la cause des problèmes c'est l'égoïsme.
Oui, mais voilà, c'est quoi l'égoïsme ? L'égoïsme est une certaine négligence du bien commun, au profit d'un intérêt particulier. C'est une réalité correspondant à des comportements bien précis, résultant d'un contexte précis. Chacun est le produit de son vécu, le comportement d'un humain dépend de la situation dans laquelle il se trouve. Ainsi, si les règles du jeu qui lui sont imposées (ou même simplement proposées), sont celles du monopoly, il n'aura pas le même comportement (ni la même attitude, car tout cela est lié) que s'il s'agit d'un jeu coopératif... Or, dans quel « jeu » sont plongés aujourd'hui les êtres humains ? Les règles de ce jeu déterminent des intérêts qui s'opposent au bien commun, donc, de l'égoïsme ! Proposer un jeu différent, une économie différente, pourrait donc réduire considérablement l'égoïsme. On agirait sur ses causes. Généralement, on privilégie l'éducation. Mais force est de constater l'insuffisance de cette approche, au vu de l'ampleur des problèmes rencontrés, en dépit de son abondante mise en œuvre depuis fort longtemps. Clairement, l'innovation s'impose, dans ce domaine. C'est bien beau de dire : il suffit de répandre l'amour, mais concrètement, on fait comment ? En rester là, c'est se bercer d'illusion, se contenter de ressentir une émotion agréable, sans chercher réellement à améliorer les choses. Bref, celui qui aime vraiment ne peut s'empêcher d'aller plus loin.

L'ucratie est une proposition de société où, contrairement à ce qui s'est fait jusqu'à présent, ne seraient pas créés et proposés des pouvoirs sur autrui (argent, possession, carrières politiques etc.), sources d'intérêts forts, et donc d'égoïsme. Cela est parfaitement possible puisque nous parlons ici de pouvoirs formels qui sont des conventions sociales. Ce qui serait proposé à chacun serait de travailler à l'abolition de la misère, à la protection des ressources naturelles, au maintien de la justice sociale. Ce serait un jeu coopératif. Il semble évident que cela réduirait considérablement l'égoïsme, au profit de l'amour !

Il n'y a pas incompatibilité entre une action philosophique « intérieure », et une action sociétale « extérieure ». Au contraire, les deux sont liées. Un système économique plus harmonieux, comme l'ucratie, participerait à une action intérieure (puisqu'il aurait des conséquences sur l'attitude de chacun, la nature des émotions ressenties), tandis qu'inversement, quiconque est conquis par l'harmonisme rationnel, aspire à une société plus juste et harmonieuse.

Donc, quiconque pratique un amour rationnel va privilégier l'action pour le développement de l'ucratie, intérieure et extérieure, toutes choses qui font actuellement défaut...
Je peux bien sûr me tromper, mais cela repose tout de même sur une certaine réflexion, que je soumets à votre sagacité...

Rendre l'amour visible

Le problème, maintenant que l'on sait quoi faire, est de se motiver ! Ok, il y a l'amour, oui, mais nous sommes des êtres humains réels, avec plein de faiblesses.
C'est pourquoi une aide à la pratique de l'amour rationnel me semble bienvenue.
La difficulté ici, est l'ampleur de la tâche, qui pourrait être quelque peu décourageante, pour un individu isolé !

À l'échelle strictement individuelle, voir ce que l'on a fait, ses avancées concrètes, ça et là, est une façon de se soutenir sur le chemin.
Se réjouir d'avoir, sinon obtenu tel ou tel résultat, du moins consacré du temps à un travail utile est également un moyen de limiter les risques de découragement. On se consolera, lorsque ça n'avance pas aussi vite qu'on le voudrait, d'avoir au moins fait les efforts nécessaires, qu'il fallait faire de toute façon, car l'important, c'est d'avancer, sur un chemin rempli d'obstacles. Il est important de positiver.
Voir que d'autres, suffisamment nombreux, agissent également dans le même sens, permet de se sentir moins seul face à l'immensité d'une tâche, de la rendre plus abordable.

Et c'est là qu'Oru, entre en scène.
Car celui-ci est non seulement un organiseur, permettant de mieux décider et coordonner nos actions, mais aussi, accessoirement, un matérialiseur d'amour : il rend plus visible, par sa fonction « suivi d'activité », « avancement de tâches », les actions positives, l'humanisme concret, en particulier, celui qui n'est pas habituellement perçu comme tel, car non conforme au stéréotype des manifestations immédiates de l'amour (et qui est pourtant souvent, comme nous l'avons vu, le plus bénéfique). Cette visualisation aurait non seulement un effet d'encouragement, mais aussi d'entraînement...

À ce propos, une économie qui mettrait en exergue les contributions positives me semble un concept fort intéressant.
Ce serait exactement le contraire de ce qui se passe actuellement.
La société actuelle, en effet, matérialise l'égoïsme.

Intrinsèquement, tout d'abord.
Elle est fondée sur le désir de consommer et de dominer. Le travail est essentiellement perçu comme une souffrance. Il consiste à se faire dominer (par son patron ou ses clients), pour mieux pouvoir dominer ensuite (en tant que client, actionnaire ou même « donateur »). L'objectif de chacun n'est pas le fruit direct de son travail, le bonheur de ceux qui en bénéficient, mais le bonheur qu'il aura à jouir de l'argent gagné. En dominant ou en consommant. Consommer consiste non pas à apporter quelque chose à la société, mais à profiter du fruit du travail de tout le monde. D'où, évidemment, une situation de compétition, car si rien n'empêche personne de travailler, la quantité de biens produits est forcément limitée. Ainsi, chacun travaille d'abord pour lui-même, l'égoïsme est généralisé.
Certains diront bien sûr qu'ils se plaisent à faire un travail utile mais il s'agit là de petits arrangements individuels malgré le système, lequel, par l'importance des récompenses proposées et la nécessité de les obtenir pour vivre décemment, invite clairement à l'égoïsme.
Dans notre société, le travail est parfois revendiqué comme une « valeur », mais c'est un travail qu'il importe toujours de récompenser, devinez comment... C'est même pour le « valoriser », qu'on le récompense !

Et comme si cela ne suffisait pas, cet égoïsme est valorisé, respecté.
Dans la société actuelle, réussir signifie « gagner beaucoup d'argent », et plus généralement, beaucoup consommer et grimper dans la « hiérarchie » (de pouvoir de domination). Et cela est rendu visible. Il suffit de voir le niveau de consommation des gens représentés dans les séries genre Dallas (ils ne vivent pas dans des deux pièces cuisine), de voir aussi la publicité (dont on aura remarqué qu'elle porte majoritairement sur les produits d'entrée de gamme et de première nécessité ;). Cela ne date d'ailleurs pas d'hier, déjà, les rois, les maharadja et autres pharaons étalaient leur surconsommation et faisaient rêver...
Et comme si ces plaisirs ne se suffisaient pas à eux-mêmes, ils sont un signe de reconnaissance sociale, de respectabilité.
Beaucoup rêvent donc de ressembler à ces gens qui ont « réussi ». Et travailler pour y parvenir est bien vu, on louera votre volonté, votre opiniâtreté, vous serez de « ceux qui bossent », qui font des dons (puisque en ayant du fric, vous pouvez en donner), qui créent des emplois... Comme si la création d'emplois n'était pas essentiellement la conséquence d'une demande (de consommation); comme si l'emploi n'était pas, avant tout, un travail (une contribution positive de la part de l'employé) sous-rémunéré (à cause de la plus-value prélevée par les capitalistes et autres intermédiaires, ceux qui « donnent »...) Belle inversion des rôles, s'il en est.
Bref, non seulement cette société ne donne pas une vision juste de ce que chacun prend et apporte, manipule les cerveaux au profit d'une caste privilégiée, mais encore, elle glorifie la consommation, la malice (action de faire le mal, à l'origine...) Ne dit-on pas, dans ce monde de l'égoïsme et de la possessivité, de celui qui donne plus qu'il ne reçoit, que c'est un idiot, un pigeon, qu'il s'est fait « avoir » ?

De plus, il n'aura échappé à personne que les médias d'aujourd'hui ne mettent pas spécialement en exergue le « positif ».
Les « actualités » s’appesantissent complaisamment sur la moindre horreur qui survient quelque part sur la planète, indépendamment du risque réel pour l'individu lambda (compte tenu de l'importance de la population planétaire), créant une vision exagérément négative de l'humain, renforçant la peur et la défiance.
À côté de ça, elles nous tiennent en haleine face aux chiffres de la « croissance » et du chômage (va-t-on pouvoir consommer ?) Des nouvelles positives ? Si si, il y en a parfois. On sera invité à se réjouir du chiffre d'affaire de quelque hôtelier bénéficiant d'une saison favorable. Puisque, comme tout le monde l'aura noté, le bénéfice d'une saison favorable ne saurait être le simple plaisir de paysages ensoleillés, il ne peut s'agir, bien sûr, que d'argent gagné quelque part. Plus généralement, le positif qui nous est présenté relève du futile (le positif ne serait donc que futile ?), comme par exemple, les compétitions sportives. De la compétition ? Encore ?

Or, donc, dans une autre économie, grâce à un « Oru », par exemple, on pourrait mettre en exergue le positif réel, le travail fait gratuitement, par amour, donc, et ce, qui plus est, en proportion de son utilité pour le bien commun.
On pourrait signaler le nombre et la nature des réalisations, mais aussi, comme on l'a vu, le nombre d'heures travaillées utilement. Pour encourager, susciter et rendre plus efficace l'amour. Le matérialiser, donc.
Concrètement, le « Monopoly » serait remplacé par un jeu coopératif : le but mis en avant étant de faire monter la somme totale (des réalisations et du nombre d'heures bien employées). Un peu comme une sorte de Téléthon généralisé (mais sans argent et au service de ce qu'il y a de plus utile !)

Inverser les objectifs

Se limiter à cette visualisation du total serait sans doute insuffisant. Pour un effectif important de la population, la contribution de chacun en proportion de ce total serait sans doute très faible... D'où l'intérêt que soit également affichée la contribution de chacun.
Nous avons déjà vu l'intérêt de cela comme soutien à sa propre action. Mais en ajoutant le caractère public de la chose, il est clair que la motivation est encore renforcée.

Certes, il n'est plus possible à ce moment là, de ne parler que d'amour désintéressé. Mais il ne faut pas perdre de vue le but que nous poursuivons, et se méfier du purisme et des conditionnements issus de notre culture. Ainsi, un conditionnement moral veut que toute bonne action doive se faire dans la plus grande discrétion, sans quoi, ce serait forcément un acte « égoïste », et donc, « pas bien ». C'est idiot, car ici, celui qui publierait son apport ferait une bonne action, en plus de son apport lui-même : en suscitant un entraînement positif. Autant tout rentabiliser, surtout ce qui ne coûte pas beaucoup ;)!

De plus, ce qui nous importe n'est pas la pureté absolue du désintéressement, mais bien que l'égoïsme ne soit pas renforcé, au point d'avoir des conséquences globalement négatives.
Ainsi, on pourrait exploiter la fierté de contribuer au bien commun, de faire partie de ceux qui apportent, la honte de faire partie de ceux qui prennent volontairement plus qu'ils n'apportent. Cette motivation, certes égoïste en toute rigueur, est sans commune mesure avec les intéressements matériels distribués de nos jours...
De nos jours, cette fierté et cette honte sont d'ailleurs bien exploitées, mais en sens inverse, puisque, comme nous l'avons vu, la réussite est associée à la consommation, plutôt qu'au résultat direct du travail.
Dans ce nouveau paradigme, ceux qui auraient « réussi », que les jeunes seraient tentés d'imiter, seraient ceux qui auraient apporté le plus, globalement. Et grâce à une certaine transparence, il n'y aurait plus tromperie sur la marchandise (elle serait rendue beaucoup plus difficile en tout cas !)

Il n'y aurait aucune forme de récompense associée à cette forme de « réussite ».
Récompenser matériellement l'apport reviendrait à l'annuler : celui qui dépense son salaire, prend d'une main (en consommant le travail d'autrui) ce qu'il a apporté de l'autre (en travaillant lui-même). Or, le but ici ne serait plus de prendre le plus possible, mais d'apporter le plus possible. On cultiverait l'amour plutôt que l'égoïsme.
De même, afin de limiter le développement de l'égoïsme, on ne distribuerait pas de titres, on n'organiserait pas de concours. De ce fait, et vu la faiblesse de l'enjeu, pas de problème lié au caractère approximatif de toute estimation. Il sera en effet facile à quiconque de ne pas se retrouver fortement dans le négatif (puisque ne serait pris en compte ici que ce qui dépend de la volonté de la personne : pas ce qui serait lié à une maladie, par exemple).
Cela est à rapprocher de la situation actuelle, ou même pour les choses les plus futiles, on ne peut s'empêcher de distribuer des titres et d'organiser des concours... voire même d'y ajouter des récompenses sonnantes et trébuchantes (comme dans le sport ou les jeux télévisés, par exemple) ! Et on s'offusque après ça de l'importance de l'égoïsme !

Une telle « comptabilité » permettrait également de sanctionner ceux qui abuseraient (par un solde fortement négatif). Ce n'est peut-être pas nécessaire, mais on ne peut en être sûr. Il faut expérimenter, faire preuve d'un minimum de prudence.
Il est bien évident que l'égoïsme existe toujours, même en dehors d'une organisation basée sur des pouvoirs de domination. Il ne se réduit pas à l'attachement à de tels pouvoirs, mais résulte, plus généralement de l'attachement au désir immédiat, et en particulier, au plaisir. C'est d'ailleurs bien cet égoïsme fondamental qui a engendré les pouvoirs de domination : vu que l'on préfère généralement profiter du fruit d'un travail que l'accomplir (c'est moins pénible), il est tentant de trouver une astuce pour le faire faire par quelqu'un d'autre, même si l'autre en pâtit. Les pouvoirs de domination sont de tels astuces... Pour contrebalancer ce penchant naturel, l'homme dispose d'une autre tendance innée : l'intolérance à l'injustice (si l'observation des enfants ne vous suffit pas, voir l'expérience célèbre intitulée « Les singes rejettent un salaire inégal »*).
C'est d'ailleurs bien pourquoi l'exploitation a toujours été maquillée pour passer plus ou moins inaperçue : on invoqua un pouvoir magique, donné par Dieu, une supériorité de naissance, puis, plus tard, la normalité de la « propriété » et de sa transmission familiale, on inversa même les rôles grâce à des concepts adaptés (« créer des emplois », « de la richesse » etc.) Il suffit donc de mettre en exergue la réalité des contributions grâce à une comptabilité appropriée, pour que cette intolérance à l'injustice joue son rôle : maintenir une véritable justice sociale (et donc, accroître le bonheur total).

Remarquons, là encore, que la comptabilité de ce qui est fait existe aussi dans le régime actuel, mais elle y est au service de fins égoïstes.
Du coup, par amalgame, certains sont parfois tentés de rejeter toute forme de comptabilité, surtout si elle est publique. L'expression « quand on aime on ne compte pas » est représentative de ce problème. Elle se comprend dans ce sens que celui qui aime ne compte pas en vue de satisfaire un intérêt égoïste, mais comme c'est toujours dans cet esprit que l'on compte ici bas, on omet de le préciser, d'où l'amalgame. On oublie que l'on pourrait compter pour mettre l'amour en valeur, ou simplement, pour s'assurer de la destination de notre travail vers ce qui est le plus utile, le plus juste (conformément à l'amour universel). Compter, en soi, est un acte neutre. C'est l'objectif qui importe. Tout comme la science ou la technique, c'est un moyen. Le mettre au service du mal aggrave le mal, le mettre au service du bien, renforce le bien.

C'est pareil pour le concept de surveillance. On le rejette à juste titre aujourd'hui, car il est toujours, de fait, au service des pouvoirs en place, avec toutes les dérives qui vont avec. Mais si une surveillance avait pour objectif, d'empêcher, précisément, le pouvoir de domination et l'exploitation sous toutes ses formes, ce serait différent ! Le problème est que lorsque l'on ne réfléchit pas, on réagit.
Pareil pour les notions de règle, de loi, que certains n'hésitent pas à désigner comme la cause de tous les maux ! La loi peut n'être qu'un moyen de limiter les méfaits de l'égoïsme, elle n'empêche pas d'agir autrement que par peur de la sanction. Le problème est que le système actuel entretient un égoïsme tellement fort, que la loi ne suffit pas : même avec de fortes sanctions, certains s'adonnent au crime en essayant de ne pas se faire prendre.

Le problème est qu'à ce jour, tous les moyens efficaces sont essentiellement mis au service d'un système fondé sur l'égoïsme et l'exploitation. Beaucoup d'« alternatifs », par amalgame, ont tendance à rejeter tout ce qu'ils ont connu dans le système, tout ce qui contribue à ses méfaits. Du coup, l'alternative, par manque d'efficacité, peine à se développer... Même le mot « efficacité » est parfois victime de cet amalgame ! (tout comme ses synonymes « productivité » et « rentabilité ») !
Bref, si un peu plus de rationalité passait du côté de l'alternative... (d'ailleurs, même le mot rationalité...)

Une autre cause de ce problème est sans doute à chercher dans l’engourdissement de la raison occasionné par l'émotion. On observe un manque de pondération dans tout ce qui touche à l'amour. Tout ce que l'on a connu pour le moment, dans ce domaine, ce sont des moralistes exaltés invitant à l'héroïsme personnel. Nous devrions tous nous sacrifier, renoncer aux plaisirs de ce monde, tout donner au premier venu, atteindre l'absolue perfection etc. Pas étonnant que la pratique ait du mal à suivre, une pratique saine, durable et étendue à suffisamment de personnes.
Bref, la recherche « utopique » est pour le moins embryonnaire. En même temps, ce constat donne des raisons d'espérer...
Vu l'état pitoyable du monde, vu l'indigence des progrès accomplis à ce jour, on peut penser qu'un petit plus est sans doute nécessaire, par rapport à tout ce qui a déjà été essayé, pour permettre une société radicalement meilleure (et donc, plus de bonheur).
C'est bien ce genre de petit plus que nous nous proposons d'apporter ici.

Pour en revenir à Oru, il s'avère donc que celui-ci permettrait non seulement de mieux s'organiser pour mettre en place l'ucratie, d'aider à des délibérations efficaces en vue du bien commun, mais également d'expérimenter, même partiellement, une autre économie, bien plus judicieuse. De faire preuve, par conséquent, d'une cohérence remarquable.

Privilégier l'action

La consignation par chacun de ses contributions au projet aurait également d'autres intérêts.

Vu que, pour des raisons évidentes d'efficacité, tout le monde ne peut pas participer à toutes les actions simultanément, on va devoir confier certaines tâches à certaines personnes. Or, certaines tâches peuvent être particulièrement critiques, en ce sens qu'une personne mal intentionnée pourrait y faire bien plus de dégâts qu'ailleurs. Bien sûr, il y a la possibilité de sanctionner ce genre d'abus (c'est un principe fondamental de l'ucratie : pas de pouvoir discrétionnaire, contrairement à la situation actuelle), avec en plus, la transparence, qui rend exécutable ce principe ; mais cela ne peut que limiter certains dégâts. Bref, il serait préférable de n'attribuer ces fonctions qu'à des personnes suffisamment fiables, dont on peut penser qu'elles sont fortement tournées vers le bien commun.
En fait, ce point me semble surtout crucial dans la situation de l'association actuelle ; beaucoup moins dans une société ucratique déjà réalisée ; et pour trois raisons. Tout d'abord, si dans une société ucratique, on peut raisonnablement penser que la plupart des gens seront clairement tournés vers le bien commun, aujourd'hui, ce n'est pas le cas, puisque notre société entretient des intérêts individuels forts, et donc l'égoïsme. Ensuite, dans la société actuelle, peu de gens sont convaincus de l'intérêt considérable du projet ucratique pour le bien commun (en particulier par manque de rationalité). Et enfin, on peut se douter qu'un projet comme le nôtre s'opposant à certains privilèges de gens très puissants va sans doute faire l'objet d'actions hostiles... Or, pratiquer l'infiltration peut être un bon moyen de nuire.
Il importe donc que toute responsabilité dont un mauvais exercice peut avoir des conséquences préjudiciables pour le projet soit réservée à des personnes de confiance (pour être tout à fait exact : avec un niveau de fiabilité d'autant plus élevé que le risque est important).
Or, comment s'assurer de cette fiabilité sans pour autant retomber dans une structure classique de type pyramidale opaque ? Il me semble que le mieux est que ces responsabilités soient attribuées par roulement au sein d'un ensemble de personnes aussi nombreuses que possible, mais également, aussi fiables que possible. En pratique, l'effectif de ce réservoir sera sans doute très faible au début, pour s’agrandir ensuite progressivement.
Or, un élément objectif pour rendre compte de cette fiabilité est l'importance des contributions de la personne au projet. D'où le premier des autres intérêts d'Oru que j'annonçais tout à l'heure : on peut penser que plus une personne contribue positivement au projet, moins elle risque de lui être défavorable... Or, Oru permet d'estimer les contributions.

Bien sûr, cette idée soulève quelques objections. Tout d'abord, un individu souhaitant s'infiltrer à des fins hostiles pourrait tricher sur ses déclarations. Pour éviter cela, il suffit de prendre surtout en compte les résultats vérifiables de ses actions. Ensuite, un tel individu pourrait fort bien participer effectivement, dans le but de s'infiltrer pour nuire ensuite. Pour éviter cela, on peut exiger une participation suffisamment importante et ancienne. On peut penser en effet, que si la personne est fondamentalement hostile, elle n'a pas intérêt à faire avancer substantiellement le projet... Je pense qu'il faudra également ajouter des tests de connaissance du projet et de rationalité. Ainsi, on peut même rêver de convertir des éléments initialement hostiles ;). Disons que la participation au projet ne serait qu'un des critères, mais un critère important tout de même.
Rappelons enfin, que l'exercice de responsabilités critiques pour le projet n'apporte aucun avantage matériel à la personne (en quoi, ça reste très différent des systèmes actuels et passés : voir les rémunérations des députés, qui disposent, de surcroît, d'un pouvoir discrétionnaire...)

Cela rejoint l'idée de ne pas instituer un seuil de pouvoir arbitraire, du genre : adhérents/ non adhérents, mais quelque chose de plus progressif et pertinent...

Il y a encore une autre utilisation de cette consignation des apports, qui pourrait créer une motivation supplémentaire.
Ces apports pourraient être en nature (travail), mais aussi en biens matériels et en particulier en argent. Rappelons à tout hasard, que l'utilisation d'argent n'a rien de contradictoire avec le fait de promouvoir une société sans argent : il ne faut pas confondre fins et moyens. Si l'on veut développer une autre société, il faut bien acquérir des terres. Si on ne les acquiert pas par la violence (ce qui serait d'ailleurs difficile), il faut bien les acheter (ou qu'elles nous soient données). Bref, il nous faut des apports matériels, en particulier monétaires, car il est peu probable de trouver des gens qui disposent précisément des biens dont on a besoin au moment précis où l'on en a besoin.
Or, il est possible (et même assez probable dans une première période), que l'on se trouve dans une situation où l'on dispose de moins de places (terres, habitations, ressources) que de candidats pour les occuper (en rejoignant des coopératives ucratiques). Ceci, par manque de contributions matérielles. Il y aura alors, fatalement, une sélection à opérer parmi ces candidats. Autant la faire dans le sens de l'intérêt du projet. Or, là encore, l'importance de leur apport (quelle que soit sa forme) serait probablement un des critères...
je vois plusieurs raisons à un tel critère. Tout d'abord, une coopérative a d'autant plus de chances de prospérer et de rayonner, que ses membres sont fortement impliqués dans le projet, et capables de travailler... Ensuite, si ce petit avantage là peut être une motivation supplémentaire pour que des gens contribuent au projet, eh bien, c'est tant mieux pour le projet, qui bénéficiera ainsi de plus de contributions (et donc, de plus de lieux...)
Bien sûr, l'admission dans un lieu, dépendra ensuite du comportement de la personne une fois sur place. Et même là, Oru pourra encore aider, en permettant un jugement plus objectif.
On désire tellement le résultat d'un travail, qu'on se l'imagine toujours plus imminent qu'il n'est en réalité. On sous-estime l'importance du travail nécessaire. Donc, les gens qui ne bossent pas à un truc ont souvent l'impression que ceux qui y bossent ne font pas grand chose. Le gain de visibilité occasionné par oru, améliorera donc aussi les relations au sein des unités locales ucratiques, tout en permettant plus d'autonomie et de liberté au niveau des emplois du temps individuels.

L'utilisation d'Oru au sein des coopératives pourra aussi améliorer leurs relations avec l'extérieur...
Un des problèmes avec les initiatives de type « associationniste » est que ce qui se passe en leur sein est peu visible aux gens extérieurs, lesquels ont tendance à combler ce qui échappe à leur perception par des visions inquiétantes, d'autant plus que, comme nous l'avons déjà vu, notre société entretient la peur. D'où un certain rejet. Or, grâce à Oru (et internet), n'importe qui pourra savoir précisément ce qui s'y passe. Cela est évidemment favorable à la diffusion de la nouvelle organisation sociale.

À propos de jugement, c'est un fait que beaucoup de gens ont plus tendance à juger autrui plutôt qu'à œuvrer eux-mêmes. Ainsi, on rencontre souvent le jugement consistant à dire que tel ou tel projet n'avance pas (de la part de ceux qui le font le moins avancer, bien sûr ;-)). Cela vient en partie du phénomène psychologique évoqué plus haut, concernant l'estimation du travail nécessaire.
Là, grâce à Oru, ils pourraient voir qu'il y a effectivement des gens qui font plein de choses utiles, de l'énergie humaine en action, ainsi que le détail des avancements (qui leur échapperait sinon). Du coup, il leur serait moins facile de porter un tel jugement, et peut-être même qu'ils se mettraient à faire quelque chose, eux aussi. D'autant plus, qu'Oru leur dirait ce qu'il y a à faire, et que, de surcroît, il rendrait leur propre travail plus visible. Et plus il y aurait de gens qui feraient quelque chose, plus les avancées seraient visibles, d'où un effet « boule de neige », un cercle vertueux...

La paresse est également à l'origine d'un autre phénomène psychologique, qu'Oru pourrait contrecarrer. Le coût du discours étant moindre que celui du travail, on est parfois tenté de développer beaucoup le premier au détriment du second, d'où un possible désabusement. Or, non seulement Oru, permet d'éviter bien des discussions inutiles, mais encore, il met en avant les actes plus que les discours.

Voilà, c'étaient quelques raisons pour lesquelle Oru est susceptible d'aider à « matérialiser l'amour »...


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