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Utopie pour être humain

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IV Propositions contre-utopistes

Histoire de se détendre un peu, imaginons comment on pourrait favoriser durablement la misère, l'injustice et la destruction, en nous conditionnant le plus possible dans un sens « égoïste ».
Ce petit exercice nous sera utile, puisqu'une utopie doit non seulement favoriser les désirs sources d'harmonie, mais également ne pas alimenter (fût-ce involontairement) de désirs indirectement destructeurs.

Tout d'abord, histoire d'augmenter le pillage des ressources naturelles, on pourrait inciter les citoyens à consommer le plus possible de biens, en les bombardant de publicités dans ce sens.
Bien sûr, les citoyens n'étant pas idiots, on ne leur demanderait pas explicitement de polluer et de sur-consommer (ils pourraient s'en indigner, ou manifester leur esprit de contradiction). C'est seulement la jouissance par la consommation que l'on vanterait, c'est à la tentation que l'on soumettrait. Pour que personne ne se pose de problème de conscience, et que la destruction soit durable, on mettrait en avant des produits « éthiques », un « développement durable »...

Afin d'augmenter la consommation de matière, on pourrait faire en sorte que les biens soient le moins possible partagés en incitant à une utilisation exclusivement personnelle de ceux-ci.
Pour ce faire, la ruse serait nécessaire afin de déjouer les fortes tendances « sociales » de l'animal humain.
Voici une astuce possible. On pourrait distribuer aux gens non pas des droits d'utiliser les biens, mais des droits de priver autrui (de l'utilisation d'un bien). On en distribuerait le plus possible de façon à ce qu'il n'existe pratiquement plus de biens sur lesquels il n'y ait pas de droit de priver. Ainsi, tout le monde serait dans l'obligation de demander à la personne détentrice du droit de priver du bien convoité s'il peut l'utiliser, sauf bien sûr si c'est lui-même. Pour se sentir plus libre, chacun chercherait donc à obtenir le plus possible de droits de priver. Il s'ensuivrait une certaine concurrence favorable aux conflits.
Là encore, cette stratégie risquerait de ne pas fonctionner, certains pouvant avoir quelques scrupules à acquérir un tel droit, s'indignant de l'atteinte à la liberté qu'il représente.
Pour empêcher cela, on peut créer un amalgame judicieux. L'idée est de faire amalgamer le droit de priver avec une chose à laquelle chacun tient par dessus-tout : son propre esprit et son propre corps. Pour réaliser cet amalgame on désignerait l'ensemble des biens sur lesquels la personne dispose de droits de priver par le même mot que son corps et son esprit : « moi ». Ainsi, au lieu de dire « il m'a été attribué le droit de priver de l'usage de cet objet », on dirait : « cet objet appartient à moi » (ou plus succinctement : « il m'appartient », « il est à moi »), ou encore : « c'est ma propriété ». En effet, tout concept est un ensemble de propriétés. Ainsi, ce qui est « ma propriété » c'est par exemple : vivant, brun, un mètre soixante quinze, quarante ans etc.
Grâce à cet amalgame, par lequel chacun s'identifierait à « ses biens », chacun tiendrait à ceux-ci tout particulièrement, de telle sorte qu'il serait encore plus difficile d'obtenir la permission d'utiliser un bien (dont on n'est pas soi-même « propriétaire ») : le prêteur craignant qu'il soit endommagé, ou non rendu. Il s'ensuivrait une nette réduction de la liberté. Il s'ensuivrait également, du fait du moindre partage (voire d'un accaparement destiné seulement à assurer sa sécurité ou à accroître illusoirement son « moi ») une augmentation importante de la consommation de matière (conformément à notre intention contre-utopique).
Par un amalgame opportun, certains pourraient même confondre avec « la liberté » l'augmentation relative de liberté que leur confère ce droit (sur les biens qu'ils possèdent) dans le cadre de ce système globalement liberticide (mais omniprésent). Un peu comme un toxicomane perçoit comme un plaisir la diminution de souffrance que lui apporte sa dose : se désintoxiquer n'est pas sa première pensée...

Afin de mettre toutes les chances de notre côté, on pourrait valoriser socialement l'acquisition d'un grand nombre de droits de priver, en associant cela à « la réussite » (sans préciser de quoi).
Mieux : on privilégierait une éducation affaiblissant la confiance en soi (par un amour conditionnel : « tu seras gentil de me passer le sel »), moralisante et répressive (« c'est comme ça que tu travailles ? »), et valorisant les succès personnels (« tu as eu combien en math ? ») Ainsi, beaucoup auraient un « moi » désireux de s'« accroître ». Et comment serait-il invité à s'accroître dans un tel sytème ? Par la recherche du pouvoir !

Afin d'enraciner les comportements « égoïstes » il suffirait d'obliger les gens à travailler pour gagner des droits de priver, de façon à ce que cela devienne la motivation principale du travail. Mieux : plus ils travailleraient, plus ils en gagneraient... En effet, comme nous l'avons vu précédemment, les désirs s'auto-entretiennent, et l'on apprécie plus ce qui nous a coûté...
On renforcerait ainsi l'avidité en dépit d'activités utiles aux autres (produire de la nourriture, construire, distribuer, soigner etc.) Brillant, non ?
Inversement, on prendrait de force un peu de ce que chacun a ainsi obtenu (chacun devant le « déclarer »), tout en permettant aux plus malins d'échapper à ce prélèvement. Quant aux publicités, tout en nous soumettant à la tentation, elles mettraient l'accent sur ce que l'on peut économiser (remises, « petits prix »...)

Une autre astuce particulièrement efficace pour exacerber l'égoïsme serait de créer une sorte de bien virtuel dont la quantité possédée permettrait d'obtenir pratiquement tout ce que l'on veut (de préférence, sous la forme de droits de priver). Ce bien virtuel serait fatalement très désirable pour tout le monde. Il focaliserait les convoitises, d'où un accroissement des conflits. Pour le concrétiser un peu au début, on pourrait l'associer à un métal brillant. L'argent, par exemple.
Chacun consacrant le plus clair de son temps à accroître sa quantité d'« argent », ce désir serait particulièrement fort. Chacun cherchant à obtenir le plus d'argent possible de la part d'autrui, on engendrerait ainsi une véritable guerre de tous contre tous.
En particulier, pour « gagner » plus d'argent, chacun serait amené à inciter autrui à consommer plus, en produisant des publicités pour cela... La boucle serait bouclée : le système viable parce que « humainement autonome ». Chacun participerait à un pillage aveugle et inexorable des ressources naturelles.

Les droits de priver sont une source de pouvoir, et donc, plus on en a, plus il est facile d'en acquérir encore plus. Il en résulterait que les plus malins et égoïstes finiraient par posséder plus de droits de priver que les autres.
Pour que les injustices ne cessent de s'accroître, le mieux serait de permettre à chacun de transmettre ses droits de priver à qui bon lui semble. Chacun appréciant le pouvoir, tout le monde approuverait cela au nom de la liberté légitime puisque c'est « à lui »... Ces transmissions s'effectuant préférentiellement au sein de sa famille (puisque c'est « les miens »), il s'ensuivrait une concentration de plus en plus grande de droits de priver dans certaines familles au détriment des autres (moins favorisées par la chance ou la malice).
Bref on aurait un système parfaitement réaliste humainement pour produire un maximum de conflits, d'injustices et de destructions, malgré certains aspects de la nature humaine. Un haut niveau d'égoïsme serait maintenu par l'activité quotidienne de chacun (motivée par un désir égoïste).

Pour dissuader d'éventuels rebelles d'afficher un certain détachement face à cette course individualiste, on maintiendrait une certaine misère et une certaine difficulté à vivre pour qui ne dispose pas de suffisamment de possessions. Cela entretiendrait la peur, ce qui est très bon pour toute contre-utopie qui se respecte.
Seuls ceux qui chercheraient à s'insérer dans ce système ou seraient réellement incapables de travailler seraient éventuellement secourus, en disposant d'un minimum vital ; grâce à quoi, on s'assurerait une certaine bonne con­science morale (« les autres, ils pourraient faire un effort, quand même ! »

Pour assurer la stabilité d'un tel l'édifice, un petit verrouillage idéologique est toujours utile. Après avoir ainsi rendu l'homme particulièrement égoïste, il nous suffirait de proclamer que « l'homme est égoïste », en ajoutant : « la preuve ! » On soutiendrait que c'est là « la nature humaine » et que toute velléité de modifier la logique économique ainsi instituée est donc « utopique » (On aurait pris soin de faire amalgamer le concept d'utopie avec celui d'impossibilité en jouant sur une des ses étymologies : « pas de lieu »).
Pour le cas où il subsisterait quelques fortes têtes pour signaler que la « nature humaine » n'est peut-être pas équivalente à la « réalité humaine actuelle », on pourra exhiber quelques tentatives infructueuses ou dérives tyranniques d'essais alternatifs (en discréditant au passage tout tentative de réalistation utopistes). Ainsi, grâce à notre tendance au défaitisme, à l'amalgame sous l'effet de l'émotion, un tel discours maintiendrait aisément le plus grand nombre dans la norme, tout en renforçant l'intolérance.
On aurait ainsi réalisé une société particulièrement « durable », du moins socialement, pas écologiquement... ce qui signifie malheureusement qu'elle serait nécessairement la dernière...

V Propositions utopistes

Pour en revenir à notre préoccupation utopiste, on voit donc, avec ce contre-modèle cauchemardesque, qu'il importe non seulement de cultiver les désirs et sentiments favorables au bien commun, mais également de ne pas développer ceux qui s'y opposent...

Ainsi, dans notre nouvelle société, les propriétés de chacun ne seraient bien sûr que son intelligence, sa masse corporelle, la couleur de ses yeux, son groupe sanguin etc.
Point de « droits de priver », la liberté de chacun s'arrêtant où commence celle d'autrui ; mais à la place, un droit à l'équité : si deux personnes ne parviennent pas à s'entendre dans la façon de se partager l'usage d'un bien, celle-ci doit être équitable : le fruit sera partagé en deux, la bicyclette sera utilisée autant à tour de rôle etc.
Rien n'empêche que pour des raisons de commodité, l'usage d'un bien soit réservé à une personne précise, pour un temps donné. Cette personne serait considérée comme gardienne du bien : elle en serait responsable.
Les décisions importantes concernant les biens mais aussi la gestion des ressources, la production etc. seraient prises ensemble (et non pas de façon unilatérale par quelque privateur), chacun ayant un égal droit de participation aux délibérations. Une telle décision commune favorise la justice. On imagine mal que la décision d'attribuer arbitrairement la plus grosse part du gâteau à une minorité, toujours la même, puisse être prise collectivement par tout le monde... Il en serait de même d'une décision mettant en péril l'écosystème. Le respect et le partage seraient ainsi fortement garantis...

La « publicité » reproduirait les besoins réels : « Un tel a besoin d'aide » « la production dans tel domaine est insuffisante », elle diffuserait des informations utiles et vérifiées : « fabriqué ainsi, le savon est plus efficace et écologique », au lieu de « j'utilise le savon Machin, c'est plus malin ».
Et pour encourager les initiatives, on ferait également connaître les réussites : « la route a été réparée en un temps record grâce à la mobilisation des habitants de la vallée », « deux mille personnes guéries grâce à l'équipe du docteur Truc » etc.
L'humour, l'art et la beauté ne seraient plus mis qu'au service du plaisir qu'ils procurent, et plus généralement, du bien commun.

L'attention de chaque citoyen serait focalisée sur ce qu'il apporte à la société, et non pas sur ce qu'il prend.
Dans un système où les gens seraient rémunérés de façon juste et où ils dépenseraient leur revenu, chacun n'apporterait rien globalement : il reprendrait d'une main (en consommant) ce qu'il apporterait de l'autre (en travaillant). Au lieu de récompenser par un salaire (ce qui revient à annuler l'apport de la personne), on publierait le bilan global de chacun (production moins consommation), et plus ce bilan serait positif plus la personne serait valorisée. Elle serait un modèle de « réussite », ferait l'objet d'un respect particulier ; pas besoin de médailles.
À l'inverse, les bilans négatifs inexpliqués par des éléments involontaires (maladies, accidents) seraient également soulignés, de façon à éviter ou limiter le parasitisme et l'exploitation. Toutefois, dans la mesure du possible, on ne laisserait pas leurs « auteurs » mourir de faim ; ceci afin de limiter la peur et la contrainte, et de favoriser une certaine sérénité bénéfique à l'amour. On chercherait à les comprendre, à les aider à se comporter différemment s'ils le souhaitent.

Le système de valeur serait inversé par rapport à la contre-utopie évoquée précédemment : chacun se mettrait au service de l'univers au lieu de mettre l'univers à son service. Les valeurs du respect et de l'amour seraient enseignées dans les écoles et ailleurs. Il y aurait des cours de bonheur, où l'on partirait du vécu des étudiants, pour qu'ils trouvent des solutions à leurs peines. On comparerait les qualités et durabilités des différentes sources de bonheur : s'approprier, se venger, contempler, découvrir, se rendre utile aux autres, relever des défis qui ont un sens, collaborer...
La raison ne serait pas développée que dans les domaines techniques. La maîtrise et la connaissance de soi feraient l'objet d'une attention particulière. On entretiendrait la mémoire des erreurs du passé : il y aurait des cours d'Utopie.
Les gens seraient ainsi suffisamment éduqués pour ne pas suivre celui qui leur promet un monde meilleur sans leur expliquer clairement comment il peut fonctionner, voire qui se contente de caresser quelques instincts.
Il n'y aurait d'ailleurs pas d'élection de chefs (ce qui entretient des ambitions exclusives), mais participation de quiconque le souhaite à toute décision qui le concerne.

Pour que chacun ait prise sur son milieu, et puisse ainsi s'entraîner concrètement à la poursuite de buts communs sur lesquels il ait un pouvoir sensible, le citoyen participerait avant tout à la vie de sa communauté locale, laquelle aurait en charge la gestion d'un territoire. Chacun développerait ainsi des savoir-faire collectifs. C'est sur la qualité de ses relations avec autrui, et de réalisations collectives que son attention serait focalisée et ses désirs naturellement orientés.
Sa voix serait entendue. Chacun, en ayant un pouvoir de décision véritable sur la société qui l'environne, y serait plus impliqué.
Sa préoccupation principale ne serait pas « comment aménager ma maison ? » mais plutôt « comment aménager mon village ? » voire « comment aménager ma planète ? »

Les plaisirs collectifs seraient favorisés : réaliser ensemble, rire ensemble, jouer, se réconcilier, se comprendre...
Un souci du bien de l'humanité et de la planète serait suffisamment entretenu pour qu'il n'y ait pas de rivalités entre communautés locales, mais au contraire : coopération. Celles-ci s'assembleraient à leur tour pour prendre les décisions qui les concernent collectivement. Ainsi, tous les habitants de la terre seraient réunis dans un même but qui l'emporterait sur les autres, ce qui éradiquerait les guerres.

Une telle société reposerait sur la nature sociale de l'homme.
Chacun travaillant en priorité à la satisfaction des besoins fondamentaux de tous, à ce qui lui semble utile au bien commun, et précisément pour cette raison, développerait et entretiendrait ainsi sur le long terme, l'amour et la compassion en lui-même, et donc, directement et indirectement : la justice, la paix et la préservation de l'environnement.

VI Propositions immédiates

Comme nous l'avons vu, l'utopiste ne se contente pas de rêver ni même de réfléchir. Il lui importe de parvenir dès que possible à la société qu'il désire. Il doit donc réfléchir au moyen d'y accéder à partir de la situation où il se trouve.

La principale difficulté aujourd'hui est que nous nous trouvons dans une société où l'égoïsme a été considérablement développé. De sorte que même si par quelque miracle on parvenait à transporter les hommes d'aujourd'hui dans notre société utopique, ils ne seraient sans doute pas, pour la plupart, suffisamment motivés pour travailler, se bornant à consommer. Cela entraînerait une situation de pénurie et un retour brutal à la loi de la jungle.
On peut être tenté d'imposer ce système en obligeant les gens à travailler. Mais il y a alors le risque que cela alimente la peur et la frustration, ce qui est opposé à l'amour, et également le risque que se développe une hiérarchie de pouvoir pouvant faire elle-même l'objet d'un désir égoïste... d'où des inégalités voire une dérive autocratique.
Ces deux scénarios illustrent comment en voulant avancer, on peut au contraire reculer. C'est alors le manque de réflexion et intelligence qui est en cause, et non pas, bien sûr, les « bonnes intentions » ou « l'utopie » (comme voudraient nous le faire penser certains conservateurs).

Une solution incontournable semble être non seulement de convaincre au préalable les gens de l'intérêt de cette utopie, mais encore de les amener à une prise de conscience personnelle du bien-être durable que procurent l'amour et la coopération. Ainsi, de plus en plus d'individus se porteraient candidats pour un tel mode de vie.

Vu qu'il n'est pas réaliste d'attendre que tout le monde soit volontaire, et qu'un changement aussi radical doit se préparer en expérimentant concrètement et progressivement, les premiers volontaires pourraient établir des « colonies utopistes » : des communautés locales où une autre culture serait diffusée, où l'argent et l'idée de possession seraient abolis, où chacun ne travaillerait plus que pour l'utilité de ce qu'il fait. Des lieux où l'amour serait loi. Des « amopies » ou « harmonies ».
Cela permettrait également de montrer l'exemple concret qu'un autre monde est possible. Cela aiderait donc à la multiplication de telles colonies (par instinct d'imitation)...
De plus, du fait des avantages de la coopération, ces colonies pourraient être particulièrement prospères économiquement.

En outre, nous aspirons tous plus ou moins à la générosité, mais y rechignons généralement à cause d'un manque de réciprocité ou d'un impact trop faible : « À quoi bon ! » Globalement, donner dans un monde où domine l'égoïsme alimente plus l'égoïsme que l'amour. En effet, ce sont les plus égoïstes qui on tendance à en bénéficier, quitte à ruser pour cela. L'escroquerie à l'altruisme existe. En somme, celui qui donne dans un tel monde, ne fait bien souvent que contribuer (involontairement) à la logique égoïste de celui-ci !
Dans un système globalement pensé pour favoriser l'altruisme, donner porterait plus de fruits tout en étant moins moralement héroïque. Donner serait à la fois plus facile et plus efficace...

Cette stratégie « associationniste » de l'utopie « ici et maintenant » se heurte toutefois à deux difficultés, une difficulté interne et une difficulté externe.

La difficulté interne est qu'il n'est pas évident de vivre ainsi d'une façon harmonieuse lorsque l'on a été conditionné dans un sens radicalement différent. Il ne suffit pas d'aspirer à l'utopie et à la générosité, il faut accepter le défi personnel que cela représente.
Pour faire face à cette difficulté interne, il importe que les candidats soient suffisamment motivés et préparés.
En particulier, une certaine compétence communicationnelle gagnerait à être développée pour permettre aux prises de décisions collectives d'être plus efficaces. En effet, si les « Harmonistes » on du mal à s'entendre, il pourrait s'ensuivre, une certaine lenteur des délibérations nuisant à l'efficacité économique, une certaine contrainte du groupe sur l'individu (en particulier si des décisions sont prises sans l'accord de tout le monde), voire des conflits. Cela rendrait ce mode de vie moins désirable...

La difficulté externe est que de telles colonies, comme tout mode de vie sensiblement différent, surtout s'il concerne un groupe de gens (et non seulement des individus isolés) fait facilement l'objet d'une certaine intolérance de la part de l'entourage. Même si les "Amopiens" ne nuisent pas à autrui, des voisins jaloux ou désœuvrés, des individus plus ou moins paranoïaques ne manqueront pas d'alimenter des médisances.
Pour surmonter cet obstacle, une attitude ouverte sur l'extérieur, amicale, coopérative, avec le moins possible de signes distinctifs inutiles est souhaitable. Surtout, un travail d'explication s'impose, de façon à prévenir les affabulations et incompréhensions.
Une vigilance face à toute dérive tyrannique s'impose également afin d'éviter l'amalgame qui en résulterait. D'où l'importance d'un modèle très démocratique, sans hiérarchie et d'une éthique le rendant possible.

Reste que même si ces colonies fonctionnent bien et comblent leurs membres, l'alternative risque de ne pas se développer suffisamment.
Rappelons que conformément à la logique de la compassion, au sens de la solidarité, notre objectif est la réduction de la misère et des conflits dans le monde, la préservation de l'espèce humaine (par une meilleure gestion des ressources naturelles), pas un mode de vie différent pour quelques personnes, leur fût-il agréable.
C'est pourquoi de telles expérimentations devront toujours s'accompagner d'un travail de persuasion au sein de l'ensemble de la société : il s'agit d'amener un grand nombre d'hommes à privilégier les valeurs de l'amour. Celui qui n'a pas réalisé en lui-même une telle « conversion » (qui n'a rien de religieuse), serait non seulement insuffisamment heureux dans une « Amopie », mais ne désire probablement pas en rejoindre une. Il ne peut pas comprendre le bonheur que représente cette autre façon d'être. Ses jugements ne peuvent être que des projections. N'ayant pas d'autre référence « intérieure », il restera attaché à ses quelques « privilèges » dans le cadre du système où il se trouve.

Un certain nombre de clichés s'opposent également à une telle révolution intérieure. Par exemple, celle-ci ne conduit pas nécessairement à « donner tous ses biens aux pauvres », puis à « ne pas se préoccuper du lendemain ». De même, aimer autrui, ce n'est pas l'apprécier. C'est éprouver un sentiment qui porte à soulager sa souffrance et à se réjouir de son bonheur.

Un espoir réside dans le fait que cette conversion peut découler d'une quête de soi minutieuse. Il serait donc utile de favoriser cette démarche.
Reste ensuite à offrir un cadre qui permette de vivre facilement l'amour qui en résulte, afin qu'il se manifeste durablement. C'est ce que permettraient les amopies.

Pour aider à une telle évolution positive des mentalités, un programme réformiste sur l'ensemble de la société peut être également utile.
Celui-ci, sans imposer de changements radicaux, œuvrerait dans le sens d'une société moins compétitive, diffuserait des valeurs plus « humanistes », améliorerait le système éducatif, octroierait plus de temps pour réfléchir etc. Cela peut emprunter une voie politique classique, avec des slogans comme : « consommer et travailler moins pour réfléchir plus », « arrêtons de courir et apprenons à nous connaître », « apprenons à partager », « un monde divers pour plus de richesses », « la richesse humaine vaut plus que tout l'or du monde » etc.

Enfin, une telle utopie, n'a pas vocation à se généraliser forcément à l'ensemble de l'humanité. Elle est une contribution à un monde meilleur. Elle peut s'intégrer positivement dans la société, prendre elle-même des formes diverses, s'adaptant ainsi à une certaine diversité humaine.
Nul ne peut prévoir l'avenir avec certitude, mais tout le monde peut mettre son intelligence, puis ses activités, au service de son cœur.

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