Il s'agit d'un questionnement non pas sur Quelle éducation ? Mais sur Pourquoi une éducation ? Qu'est-ce que l'éducation ? Quelle relation introduit-elle ?
Effectivement, le gars suggère d'abandonner non seulement toute école, mais aussi toute éducation.
Sa définition de l'éducation est pourtant assez large :
« c'est tous ceux qui veulent avoir une influence sur moi » (je me base sur sa conférence mise en avant sur son site, " extraite de la rencontre "vivre sans éducation"
www.youtube.com/watch?v=bteB2VtTRkE&feature=player_embedded)
Je trouve cela excessif. Notre cerveau se forme physiquement en fonction de tout ce que lui transmettent les organes des sens. Si je dis à quelqu'un que sa maison brûle, je modifie son cerveau, j'ai donc une influence sur lui... et en plus c'est volontaire... Pour moi, communiquer, c'est avoir une influence (mutuelle), et je trouve que c'est plutôt une bonne chose, a priori.
Après, on peut réduire le concept à une influence qui ne serait pas purement informative, mais une définition plus précise reste alors à élaborer, ce que l'auteur du site ne fait pas.
Pour ma part, je dénoncerais l'influence "irrationnelle", que j'appelle également "manipulation" parce qu'elle induit immédiatement un comportement (ou des émotions) en court-circuitant la pensée (elle nous manipule donc comme des marionnettes...) Quelques exemples plus bas...
L'auteur du site procède beaucoup par amalgames. Le problème selon lui : l'éducateur serait "supérieur" à l'éduqué (par son seul statut d'éducateur : d'action d'influencer). Mais pour moi, cela ne correspond pas à une réalité, cette notion de supériorité est subjective. C'est seulement lorsque l'éducateur a un certain comportement, "autoritaire" ou "condescendant" par exemple, qu'il y a une réalité possible de "supériorité". Dans toute communication, il y a, à un instant donné, un émetteur et un récepteur, c'est inévitable, et y voir de la supériorité ou de l'infériorité est précisément l'erreur que je dénoncerais ici.
Cette radicalité (rejet de toute éducation) est difficilement soutenable.
On peut d'ailleurs noter une certaine incohérence de la part de quelqu'un qui dénonce la relation entre "influenceur" et influencé, à dépenser autant d'énergie pour distiller sa parole et ses idées, qui plus est par de nombreuses
conférences (en plus d'un site internet et de publications diverses).
L'une de ses publications s'intitule d'ailleurs... 'l'éducation authentique"... Ah bon ?
Autant le concept d'éducation (et d'influence) ne me choque pas, et me semble même incontournable, autant parler d'éducation
authentique me pose un problème... En effet, nous sommes là dans une communication typiquement manipulatrice : utilisant des concepts subjectifs (manquant de sens précis) valorisant ou dévalorisant directement les choses (ici: "authentique"), plutôt que se contenter de descriptions objectives ("il y a le feu chez toi").
Son idéologie semble se résumer à "il faut penser par soi-même sans avoir été influencé". C'est une idée que l'on retrouve dans beaucoup de mouvements "spirituels" modernes, mais qui me semble essentiellement démagogique. En effet qu'est-ce que ça veut dire « penser par soi-même ». Je suis d'accord qu'il y a une façon de penser plus efficace que d'autres (à laquelle j'ai fait allusion plus haut) mais encore faudrait-il préciser en quoi elle consiste (sous peine de stérilité). Or, voici ce qu'il dit (à la fin de la vidéo, en forme de résumé ou conclusion) :
pourquoi je pense ce que je pense ? Est-ce que c'est moi qui l'ai pensé ou est-ce que je l'ai reçu en naissant ou est-ce que c'est quelque chose qui est comme ça autour de moi ?
Que voilà une disjonction bien étrange : ne se pourrait-il pas que ce que je pense je l'ai reçu en naissant ou que ce soit aussi "quelque chose autour de moi" (le fruit d'influences diverses) ? (probablement un mélange de tout ça, selon moi).
Et à partir du moment où je me rends compte que ce que je pense, c'est pas ce que je pense vraiment, mais c'est ce qu'on m'a conditionné à penser, ben je peux penser par moi-même.
En quoi ce que je pense ne serait-il pas ce que je pense vraiment ? Y aurait-il des choses qu'on pense, mais pas "vraiment" ? Je ne comprends pas. Que certains disent des choses qu'ils ne pensent pas vraiment, on comprend de quoi il s'agit, mais que des gens pensent ce qu'ils ne pensent pas vraiment, ça veut dire quoi, au juste ??
à noter l'importance subjective du verbe "conditionner", on ne m'aurait pas simplement amené à penser quelque chose, mais on m'aurait "conditionné à penser"... qu'apporte le mot "conditionner" ici, à part influencer directement l'auditeur pour lui faire rejeter la chose ?...
Faudrait retrouver une sorte de moi pur au delà de toute influence ? Voilà qui flatte l'ego, mais rien n'est dit de concret sur ce que serait exactement cette pensée "déconditionnée"...
Pour moi, une des premières règles de la pensée rationnelle (ce qui se rapproche le plus, selon moi, de "penser par soi-même" ou "pensée déconditionnée") est d'être fidèle à la vérité. Au moins, ça c'est du concret.
Or, j'ai quelque peu été interloqué, ayant un peu travaillé (moi aussi) au sein de l'éducation nationale, qui plus est, en me documentant directement à des sources officielles (il y a longtemps :)), quand il dit (toujours dans l'extrait, au début) que la question des finalités de l'éducation n'y est jamais abordée. En effet, cette question est abondamment abordée dans pratiquement tous les textes officiels ! Chacun peut le vérifier par lui-même, en se rendant par exemple sur cette page
eduscol.education.fr/cid48537/les-finalites-les-enjeux.html, où de telles finalités sont bien explicitées :
les recommandations stipulent que le programme doit aider les jeunes à devenir des élèves qui réussissent, des individus sûrs d'eux-mêmes et des citoyens responsables
Or, il (Jean-Pierre Lepri) dit :
je suis allé voir au ministère de l'éducation... on trouve rien, c'est quand même surprenant
Il n'a pas dû bien chercher, moi ça vient de me prendre 2 secondes avec Google, peut-être qu'il s'est perdu dans les couloirs :-))
Il laisse entendre un peu plus loin qu'il aurait quand même trouvé quelque chose (ah bon, faudrait savoir !) mais ce serait seulement "réussir à l'école". Si tel était le cas, ce serait en effet quelque peu stérile. Or, comme on vient de le vérifier, il est bien question d'autres choses : "individus sûrs d'eux-mêmes et des citoyens responsables"... (après, on peut être d'accord ou pas avec ces finalités, mais c'est un autre débat).
Bref, puisque tu nous soumets ce site, Plouis, je te donne mon avis critique (dans le bon sens du terme), comme doit le faire tout "harmoniste rationnel" : penser "par lui-même"... au sens de faire preuve d'une certaine rigueur, de vérifier les affirmations et... détecter toute forme de manipulation... ;)
Ce genre de chose devrait être au programme de l'éducation (éventuelle;)) dans toute bonne ucratie (c'est déjà suggéré à différents endroits dans le site, je crois, et en effet, ça fait partie des choses qui manquent actuellement !)