Tout d'abord, de quoi parle-t-on ? Difficile de définir l'amour, tout au plus peut-on en décrire les manifestations. Je parle ici de l'amour qui induit la bienveillance, l'altruisme, à ne pas confondre avec la simple appréciation de quelque chose ou de quelqu'un.
Cet amour, se traduit intérieurement par un sentiment serein et agréable, ainsi que par une intention d'accroître le bonheur d'autrui (ce qui commence évidemment par la réduction de sa souffrance). Celui qui aime va donc chercher à accroître le bonheur d'autrui.
Cependant, l'amour n'induit pas forcément l'accroissement de ce bonheur puisque la bonne volonté ne suffit pas à la réussite d'un projet. Il y faut encore l'intelligence, la raison, qui permet de séparer le vrai du faux. Une personne trop crédule pourrait par exemple tuer quelqu'un en lui administrant un poison dont on lui aurait dit que c'est un remède.
De plus, l'amour n'est pas forcément facteur d'harmonie dans la mesure où l'on peut favoriser certaines personnes, que l'on aimerait plus, par rapport à d'autres. Ce faisant, il s’accommode parfaitement de la compétition et même de la vengeance (on pourra vouloir venger ceux que l'on aime). On parle parfois, à ce sujet, d'égoïsme généralisé. Des gens se font la guerre, parce qu'ils défendent les intérêts de leur famille ou de leur peuple. On voit que pour être facteur d'harmonie, l'amour doit être égal et universel. Contrairement à une idée reçue, cela n'a rien d'irréaliste, puisque nous ne parlons pas ici de l'amour appréciation... mais bien d'une attitude morale.
Ainsi, l'harmonisme rationnel, en visant le plus grand bien être de tous, est l'attitude que l'on peut placer à l'opposé de l'égoïsme.
Tout ça, c'est la théorie de base. Reste à pratiquer, ce qui commence par la question « qu'est-ce que je peux faire de mieux, là , maintenant ? »
Qu'est-ce qui accroît le plus le bonheur total ? Ce bénéfice n'est certes pas toujours évident à estimer, il n'est généralement pas certain, surtout s'il concerne le long terme. On peut cependant penser qu'une action mûrement réfléchie en vue du bien commun a plus de chances d'avoir des conséquences positives qu'un acte impulsif qui ne s'en préoccuperait pas, ou même qu'un acte inspiré par l'amour, mais moins réfléchi.
Le bonheur total s'obtient en sommant les niveaux de bien-être. On va donc privilégier (toutes choses égales par ailleurs) ce qui accroît le bien-être d'un plus grand nombre de personnes, et pendant plus longtemps. D'où l'intérêt des projets à grande échelle agissant sur les causes des problèmes, par opposition à une action dont l'effet est peut-être plus visible mais plus limité.
La qualité et l'intensité du bonheur comptent également, bien sûr. Or, tous les bonheurs ne sont pas égaux. Ainsi, le bonheur qui résulte d'une certaine sérénité intérieure, d'un savoir-apprécier les choses est non seulement plus durable mais encore plus profond que celui qui accompagne la satisfaction d'un désir de jouissance ou de possession d'un bien.
L'harmoniste rationnel va donc tout naturellement privilégier le premier.
D'autant que le second s'accompagne souvent de conséquences négatives sur le long terme, ne serait-ce qu'en tant que source de conflit.
De plus, quiconque expérimente l'amour (qui résulte de la quête de sérénité intérieure) est, à son tour, un vecteur de bonheur (à condition que cet amour s'accompagne de suffisamment de raison)... C'est le principe de la réaction en chaîne : contrairement à un ricochet, qui finit par s'arrêter, la chose risque de s'amplifier, d'où des conséquences nettement supérieures.
Il semble donc qu'il faille privilégier une action éducative dès le plus jeune âge, et une transformation "intérieure"à l'âge adulte, plutôt qu' une gratification matérielle.
D'autres considérations plus "extérieures" ne peuvent cependant être négligées. La menace écologique, par exemple. Si tout le monde disparaît, le bonheur total sera sérieusement affecté ! Sans même envisager une telle extrémité, si les ressources ne cessent de se raréfier et la pollution de s'amplifier, la souffrance induite va être considérable. La souffrance physique ne peut être négligée. Ne serait-ce que parce qu'il est difficile de philosopher lorsqu'on a le ventre vide ou que sa survie est constamment menacée.
Or, si l'on veut une action efficace, il faut s'attaquer aux causes, plutôt qu'aux symptômes. L'origine de la misère n'est pas technique, car on produit bien plus de nourriture que ce qui serait nécessaire pour nourrir tout le monde. Elle est donc humaine. Il en est évidemment de même pour les conflits.
On pourrait dire que la cause des problèmes c'est l'égoïsme.
Oui, mais voilà , c'est quoi l'égoïsme ? L'égoïsme est une certaine négligence du bien commun, au profit d'un intérêt particulier. C'est une réalité correspondant à des comportements bien précis, résultant d'un contexte précis. Chacun est le produit de son vécu, le comportement d'un humain dépend de la situation dans laquelle il se trouve. Ainsi, si les règles du jeu qui lui sont imposées (ou même simplement proposées), sont celles du monopoly, il n'aura pas le même comportement (ni la même attitude, car tout cela est lié) que s'il s'agit d'un jeu coopératif... Or, dans quel « jeu » sont plongés aujourd'hui les êtres humains ? Les règles de ce jeu déterminent des intérêts qui s'opposent au bien commun, donc, de l'égoïsme ! Proposer un jeu différent, une économie différente, pourrait donc réduire considérablement l'égoïsme. On agirait sur ses causes. Généralement, on privilégie l'éducation. Mais force est de constater l'insuffisance de cette approche, au vu de l'ampleur des problèmes rencontrés, en dépit de son abondante mise en œuvre depuis fort longtemps. Clairement, l'innovation s'impose, dans ce domaine. C'est bien beau de dire : il suffit de répandre l'amour, mais concrètement, on fait comment ? En rester là , c'est se bercer d'illusion, se contenter de ressentir une émotion agréable, sans chercher réellement à améliorer les choses. Bref, celui qui aime vraiment ne peut s'empêcher d'aller plus loin.
L'ucratie est une proposition de société où, contrairement à ce qui s'est fait jusqu'à présent, ne seraient ni créés ni proposés des pouvoirs sur autrui (argent, possession, carrières politiques etc.), sources d'intérêts forts, et donc d'égoïsme. Cela est parfaitement possible puisque nous parlons ici de pouvoirs formels qui sont des conventions sociales. Ce qui serait proposé à chacun serait de travailler à l'abolition de la misère, à la protection des ressources naturelles, au maintien de la justice sociale. Ce serait un jeu coopératif. Il semble évident que cela réduirait considérablement l'égoïsme, au profit de l'amour !
Il n'y a pas incompatibilité entre une action philosophique « intérieure », et une action sociétale « extérieure ». Au contraire, les deux sont liées. Un système économique plus harmonieux, comme l'ucratie, participerait à une action intérieure (puisqu'il aurait des conséquences sur l'attitude de chacun, la nature des émotions ressenties),et inversement, quiconque est conquis par l'harmonisme rationnel, aspire à une société plus juste et harmonieuse.
Donc, quiconque pratique un amour rationnel va privilégier l'action pour le développement de l'ucratie, intérieure et extérieure, toutes choses qui font actuellement défaut...
Je peux bien sûr me tromper, mais cela repose tout de même sur une certaine réflexion, que je soumets à votre sagacité...
La suite, demain...
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