Des approches comme 'I am You' / Open Individualism, de D.Kolak, essaient de démontrer que dans l'absolu nous sommes tous les autres (je préfère ne pas rentrer dans le détail de son raisonnement à mon avis intenable).
Dans la compréhension que j'ai de la conscience étendue - à travers mes lectures du bouddhisme et de Derek Parfit (qui se réfère explicitement au bouddhisme) -, cette capacité à se préoccuper rationnellement de "l'autre" comme de "soi" (des concepts qui s'estompent dans ces philosophies) vient d'une réflexion et d'un véritable entraînement intellectuel. Elle ne va pas de soi, instinctivement (en dehors de la simple empathie, mais qui reste limitée à un cercle assez restreint - voir les célèbres études de S.Milgram sur la "soumission à l'autorité" qui a permis les camps de concentration nazis malgré la compassion naturelle).
Une analogie permet de mieux comprendre l'importance de la capacité cognitive dans l'extension de conscience : le test du miroir. Peu d'espèces sont capables de comprendre que l'image dans le miroir, c'est "soi-même" (moins d'une dizaine recensée actuellement). Le gorille échoue là où l'orang-outang a conscience que c'est lui, ainsi que le bébé humain à partir de 6 mois. Il faut donc une certaine capacité cognitive pour faire cette prise de conscience réflexive de soi. C'est la même chose pour l'étape suivante de la conscience étendue : cela n'est pas donné à tout le monde d'étendre sa conscience de soi aux autres êtres sensibles à partir du raisonnement pourtant très logique sur le continuum de points communs que sont ces processus (stream pour le bouddhisme) qu'on appelle des "êtres sensibles" et de la difficulté à trouver un seuil légitime, mathématique, qui "me" distinguerait des "autres". Cela demande de la réflexion, une aptitude à cette réflexion et même une part de volontarisme pour aller contre sa conscience de soi instinctive ! Bref, on peut rester gorille ou s'efforcer de devenir orang-outang.
Dans cette approche de la conscience étendue, extension de la Relation-R par la raison, elle n'est nullement un absolu théorique mais une capacité cognitive propre à chaque être d'étendre - plus ou moins - sa conscience aux autres. C'est un combat jamais gagné d'avance, mais on peut s'initier à tout âge, et comme le dit Vic / M.Ricard sur la méditation, on peut l'enseigner aux enfants très jeune. Et c'est là à mon avis un challenge considérable pour l'éthique prioritariste que de réussir à diffuser l'enseignement de la conscience étendue le plus profondément possible et dès l'enfance. Une génération qui passera de gorille à orang-outang ne sera plus capable de faire la guerre à quiconque, car faire souffrir l'autre c'est se faire souffrir...
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