- Comment ça ? Je ne vois pas en quoi l'obligation de travailler entretient l'altruisme...
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L'obligation de travailler dont tu parles, ne concerne qu'un travail minimal, nécessaire à la sécurité de chacun (et un peu plus, certes). Le fait que la sécurité (et plus généralement, les besoins matériels les plus chers de chacun) soit ainsi assurée, favorise l'altruisme : tu es plus porté à l'altruisme lorsque tes besoins et désirs matériels sont assurés. Sinon, c'est vite le retour au chacun pour soi. Si on faisait un pari sur l'altruisme, en n'imposant rien, ceci induirait de fait une certaine insécurité (risque de pénurie, d'injustice...) et donc, la peur et la défiance...
Ensuite, nous avons vu qu'une grande partie du travail (difficile à chiffrer, car laissée à la liberté de chacun) se fait sur le temps libre, et là, c'est par nature, totalement désintéressé. Point de rémunération. La rémunération entretient l'égoïsme, la cupidité : on est tenté de travailler pour s'enrichir.
La principale « rémunération » ici, outre le plaisir du travail lui-même, est le bien que l'on apporte aux autres (bénéfices du progrès, embellissement...) si ça, ça n'entretient pas l'altruisme... Tout au plus, celui qui apporte beaucoup ainsi bénéficie-t-il d'une certaine reconnaissance sociale.
- Dans ce cas, il n'est pas vraiment totalement désintéressé
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Non, mais une telle motivation est suffisamment faible (par rapport à l'argent) pour ne pas faire de l'ombre à un amour plus désintéressé. Il n'y a plus contradiction. C'est juste une incitation supplémentaire...
Également, un altruiste intelligent vise le bien commun. Et donc, il comprend l'intérêt de ce travail obligatoire comme une façon intelligente de satisfaire au mieux, le bien commun. Il y travaille donc par altruisme, et non pas par obligation. Ce n'est pas parce qu'une chose est obligatoire qu'on est obligé d'y travailler par obligation... On peut, au contraire, comprendre l'intérêt de l'obligation, la voir comme une sécurité, quelque chose qui empêche l'exploitation ou le chaos. Tout cela nous l'expliquons à ceux qui nous rejoignent. Un véritable altruiste est-il favorable à l'exploitation et au chaos ?
- Si je comprends bien, vous essayez de développer l'altruisme.
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Oui. Notre mode d'organisation ne se borne pas à être juste, viable à court terme. Il alimente un moteur humain positif, en accord avec nos valeurs... Il est pensé sur la base de la psychologie humaine, ce qui manque souvent aux « utopies ».
Par exemple, l'argent, mais aussi la propriété privée sont des éléments qui alimentent l'égoïsme (et s'opposent donc à l'amour). Tout cela est donc absent chez nous...
- Il n'y a pas de propriété privée ? J'ai cru comprendre que chacun possédait des biens... et que le vol était interdit...
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Oui, mais tu as aussi compris qu'on pouvait les lui reprendre à tout moment. Qu'ils n'étaient à lui que temporairement, en quelque sorte. Il ne s'agit là que d'une propriété d'usage. Et en plus, l'alternance est favorisée (dans certaines limites). Ceci réduit l'attachement...
De plus, nous n'utilisons pas le mot « propriété » (étymologiquement : « ce qui m'est propre »), dans ce sens. Et encore moins le mot « appartenance » (étymologiquement : « faire partie de »). Ceci afin de limiter l'identification possible entre une personne et le bien dont elle a la jouissance, ce qui serait une illusion.
- Vous dites quoi ? « Possession » ?
- On peut, mais on évite à cause de l'héritage du passé. Nous parlons d'usage, mais aussi de garde. En effet, pour des raisons d'organisation pratique évidentes, l'usager d'un bien en est également le gardien (le responsable, si tu veux ; lorsqu'il s'agit d'un bien durable évidemment). C'est pourquoi on dit souvent « usager-gardien ». Cela change un peu l'état d'esprit, non ?
- Effectivement. Et concrètement, ça se traduit comment la « garde » ? Parce que c'est bien le problème, lorsque les gens ne sont pas propriétaires, ils ne prennent pas soin des affaires...
- Dans un système qui entretient l'égoïsme, oui... Et là, en plus, ça se traduit concrètement : l'état d'un bien est contrôlé à chaque changement de gardien. Donc, on ne prend même pas de risque.
- Et si je rends un bien en mauvais état, il se passe quoi ? Je suis banni ?
- Non, sauf cas extrême très particulier, peut-être. Ce qu'il advient dépend des responsabilités. Si tu es clairement responsable des dommages, la dégradation t'es comptée comme consommation. Du fait des contraintes d'équité, cela se traduira donc probablement par un accroissement de ta part de travail moins agréable (équivalent au coût des dommages).
- Et on fait comment pour déterminer la responsabilité ?
- La responsabilité c'est la part d'attention, de soin volontaire, qui s'oppose à la part de hasard. L'usager l'indique honnêtement, en général, car il n'a pas de fort intérêt à frauder... De plus, une dégradation hasardeuse résulte généralement de faits que tout le monde peut vérifier : des intempéries, par exemple. C'est comme avec une assurance.
- Et il se passe quoi si la personne n'est pas responsable, parce que ça se traduit tout de même par un coût, même dans ce cas...
- Le coût est partagé par tout le monde de façon égale : ça rentre dans les consommations collectives. C'est donc un système qui est à la fois responsabilisant et mutualiste, conformément à l'idéal de fraternité, de soutien mutuel. Nous avons vu ça pour les maladies... c'est un système aussi juste que possible.
- Et si la personne est partiellement responsable ?
- Eh bien, le coût est partiellement mutualisé.
- J'aurais dû m'en douter !
- Oui, cette économie est assez naturelle. Elle est même constamment améliorable. Le tout est d'être dans l'esprit.
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