Il est possible d'utiliser les concepts ambiants sans les approfondir. Cela conduit à la reproduction de l'existant, à l'enlisement. On peut encore prendre un peu de hauteur, revenir aux fondamentaux. Cela permet de progresser, de résoudre certains problèmes majeurs.
Par exemple, si l'on demande à quelqu'un ce qu'est l'économie, il va penser le plus souvent « argent », « troc », « échanges » voire « banques », « entreprise », « marché » etc. Si on revient aux fondamentaux, ça donne quoi ?
« Économie » signifie étymologiquement : règles d'organisation de la maison. À l'origine, il s'agissait de ce que nous appellerions aujourd'hui l'économie domestique ; mais « la maison » se généralise facilement à n'importe quel groupement humain (et à la planète).
Des règles sont nécessaires pour se partager un bien rare (au sens de non spontanément disponible pour tout le monde). La plupart des biens peuvent être considérés comme rares car ils nécessitent un travail (pour être obtenus, transportés etc.) De sorte que l'économie se résume essentiellement à traiter la question : « comment on se répartit le travail et la consommation ? » C'est un choix de règles.
C'est donc d'une question politique (et surtout pas une science comme certains mystificateurs pourraient avoir intérêt à nous le faire croire). Quelles règles choisit-on, pour quel résultat ? Il y a donc, là dessous, une question éthique : souhaite-t-on, par exemple, une société juste qui préserve les ressources naturelles, ou au contraire, comme aujourd'hui, une société qui prive de nourriture un sixième de la population actuelle(1) et la totalité de la population future (à cause de la destruction progressive des ressources naturelles) ?
Le fait est qu'historiquement, l'économie actuelle ne s'est pas établie sur des bases humanistes, en vue d'un quelconque intérêt général. Elle est le fruit d'une histoire, de comportements plus ou moins instinctifs, de luttes de pouvoir, d'auto-manipulation par des concepts : l'enlisement...
Ainsi, une règle simple, pouvant tenir lieu d'économie, consiste à accorder le pouvoir de décision à une seule personne (le pharaon, le führer...) ou plus généralement, à établir un pouvoir hiérarchique : en cas de désaccord entre personnes de niveau hiérarchique différent, l'avis de celui dont le niveau est le plus élevé l'emporte. Si leur niveau est identique, ils demandent à quelqu'un situé à un niveau supérieur, de trancher.
Dans un tel système, ceux qui sont situés plus haut dans la hiérarchie sont généralement plus favorisés matériellement : ils consomment plus de choses agréables et font moins de travail désagréable.
La question de savoir qui est situé où dans la hiérarchie est généralement établie par transmission : le chef décide de qui lui succède (généralement, il privilégie sa propre descendance). Quant à savoir comment ça s'est réparti au début : mystère ! Disons qu'il y a dû y avoir des combats...
D'ailleurs, ce système donne lieu à des combats continuels, entre chefs voisins : extension et régression des empires, mais aussi entre individus lorsque la possibilité d'ascension hiérarchique existe (tout le monde est naturellement tenté de grimper dans la hiérarchie, du fait des avantages évidents que cela procure !)
À ce système primitif, a succédé un modèle hiérarchique plus subtil.
Un pouvoir hiérarchique peut ne concerner que certains types de décisions. Ainsi, untel peut être le chef pour tout ce qui concerne un certain territoire, l'usage d'un certain objet ou d'un être vivant. C'est ce que l'on a appelé la possession (ou plus fallacieusement encore : la « propriété »). Et là encore, ce pouvoir s'est naturellement transmis par la libre volonté du « possédant » (parce que psycho-linguistiquement associée à l'identité de celui-ci).
Des possédants peuvent, en particulier, échanger certaines de leurs possessions. Pour faciliter ces échanges, on a introduit la monnaie, laquelle est devenue de fait un méta-pouvoir particulièrement désirable, car permettant de choisir plus librement ses possessions (le domaine dans lequel on peut imposer des choses à autrui).
Ces échanges monétaires permettent à ceux qui possèdent plus de choses, d'accroître leurs possessions plus rapidement que ceux qui en possèdent moins. D'où un accroissement des inégalités de pouvoir. Une méta-hiérarchie s'établit de fait entre ceux qui possèdent plus de choses (en particulier sous forme de monnaie), et ceux qui en possèdent moins. De fait, ceux qui possèdent moins doivent travailler pour ceux qui possèdent plus, afin de pouvoir survivre, ou plus généralement, de satisfaire certains besoins. Un peu comme dans le système précédent...
Certains réformateurs, les « communistes autoritaires », ont essayé de supprimer le système basé sur la possession, mais pour imposer cette suppression, ont dû recourir à une hiérarchie de pouvoir. D'où : retour à la case départ...
Un autre avatar de l'instinct de soumission/domination est la chefferie élective : la population se choisit ses chefs.
Ce système est fragile car le chef ayant le pouvoir, a donc, en particulier, le pouvoir de rester au pouvoir (contre l'avis de ses subordonnés)...
C'est aussi un système favorable à la démagogie : art de manipuler le peuple pour rester au pouvoir, plutôt que gouverner réellement en vue du bien commun à long terme, par exemple.
Enfin, ce système entretient la soif de pouvoir hiérarchique, puisque ce dernier existe et est accessible à tous. D'où une source supplémentaire de conflits.
Actuellement, le système est un mélange de chefferie élective et de ploutocratie (pouvoir par la possession). Bref, nous sommes dans la hiérarchie jusqu'au cou.
De même que les chefs primitifs justifiaient leur pouvoir en se présentant comme d'ascendance divine ; les ploutocrates recourent à un certain nombre d'astuces pour justifier le leur. Ainsi, ils présentent la possession comme un « droit naturel et sacré »(2), amalgament cette convention sociale avec des besoins plus fondamentaux (comme la sécurité ou la liberté)(2), diffusent de petites possessions au plus grand nombre pour que chacun y soit attaché, utilisent des expressions qui escamotent les réalités susceptibles d'induire une interrogation sur la légitimité du système : "entreprise", "libéralisme", "richesse"... (qu'est-ce qui est entrepris ? quelle liberté ? quelle richesse ?...) Quant aux chefs « élus », ils se dénomment « représentants du peuple » et parlent de « démocratie »... pour donner l'impression que c'est le peuple qui décide (à travers leurs propres décisions).
Un tel système fait que chacun se préoccupe d'accroître ou de préserver un pouvoir personnel (en particulier sous forme monétaire). La force de ces préoccupations alimente l'oppression, les conflits, les injustices, la destruction de l'environnement (car elle l'emporte sur le souci du bien commun)... Bref, il pourrait être intéressant de prendre un peu de hauteur...
L'alternative à tout ça est logiquement la démocratie (étymologiquement : « le pouvoir au groupe » donc, pas de hiérarchie) : on décide ensemble de comment on se répartit le travail et la consommation (discussion, vote etc.)
Mais cela reste théorique. Convoquer une assemblée pour chaque décision de la vie quotidienne serait un peu lourd (la plupart des décisions concernent de nombreuses personnes : tous ceux qui sont intervenus dans la production des biens utilisés, par exemple).
Pour éviter cette lourdeur ainsi que la présence de règles, beaucoup ont rêvé de sociétés où chacun travaillerait à ce qu'il veut et consommerait ce qu'il veut sans aucune contrainte... et ont espéré que cela fonctionne grâce à une certaine abondance et un certain altruisme. Cela n'a jamais fonctionné durablement en dépit de nombreuses tentatives(3). Tout ce qui est désiré n'est pas spontanément produit, et des tensions s'installent. C'est en tout cas un pari risqué. Il y a trop d'incertitude, d'insécurité pour qu'un tel idéal soit viable concrètement.
L'intérêt de règles économiques est non seulement de rendre une économie viable (que les besoins de chacun soient effectivement satisfaits) mais aussi d'accroître la liberté individuelle. Dans une démocratie sans règle, les décisions prises sont moins prévisibles (donc, plus d'insécurité pour l'individu). En particulier, ces décisions dépendent des personnalités en présence. Ceux qui interviennent le plus facilement, qui sont plus intransigeants ou manipulateurs etc. prenant un avantage (on parle alors parfois de hiérarchie informelle).
En outre, s'il n'y a pas de ligne de conduite prédéfinie, les décisions peuvent avoir du mal à se prendre (personne n'osant faire figure de leader) !
Des règles précises permettent également de se libérer de la pression sociale (moralisme) qui est monnaie courante dans une telle structure.
Enfin, les règles qui ont été adoptées jusqu'à présent, dans le cadre d'une économie démocratique, ont toujours été assez rigides (ne serait-ce que par manque de moyens de calcul), d'où un mode de vie (de type « communautaire ») ne pouvant être choisi volontairement par la majorité de la population...
l'ÉÉBÉM est un ensemble de règles de fonctionnement conçu pour maximiser le bien-être et la liberté individuelle, tout en assurant un maximum d'équité et la préservation des ressources naturelles.
Ces règles peuvent être adoptées par quiconque le souhaite... Nous sommes tous responsables du monde où l'on vit...
Dans cette économie, les productions découlent des désirs exprimés par chacun, sans discrimination, aussi bien en matière de travail que de consommation (pas de publicité, pas de travail-esclavage)... Il en résulte une moindre consommation (pas d'influence intéressée des producteurs), et une plus grande efficacité (point de surproduction, réduction de certains coûts). Donc, plus de temps pour créer, s'entraider et jouir librement de la vie. L'exploitation d'autrui y est impossible (quiconque consomme doit fournir un travail en rapport) : chacun est donc motivé pour travailler (même s'il est égoïste).
Cette économie correspond à un minimum de contrainte pour un maximum de bénéfice, de justice et de viabilité.
Un intérêt fondamental de ce système est de ne pas présenter de pouvoirs hiérarchiques personnels, sources d'égoïsme*. En particulier, il n'y a pas de monnaie. On ne donne pas de « valeurs » aux produits ou aux différentes activités... Il n'y a que des choix, des préférences personnelles et des contraintes naturelles.
En bref, le principe est le suivant : On récolte les données concernant ce qui peut être facilement et écologiquement produit, les préférences de chacun, puis on calcule les programmes d'activités qui maximisent durablement la satisfaction totale !
Pour une explication plus détaillée et argumentée, lire : « Une autre organisation économique (Questions à un ami utopiste) », ainsi que le processus de calcul.
(1) Voir les dernières estimations de la FAO.
(2) Voir, par exemple, la très "religieuse" « déclaration des droits de l'homme et du citoyens » de 1789. (Celle-ci, par beaucoup de ses aspects, constitue bien-sûr un progrès indéniable par rapport à l'ancien régime.)
(3) Voir, par exemple cette liste des milieux libres et libertaires en France.
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