Une économie est une façon de gérer collectivement les ressources (leur production, distribution et consommation), et plus généralement, la satisfaction des besoins de chacun. C'est la réponse à la question : « comment on se répartit le travail et la jouissance ? »
Elle peut concerner la gestion d'une maisonnée (à l'origine du terme : oïkos : maison, nomos : règle), d'une tribu, d'un État, d'une planète...
Cette notion s'inscrit donc dans une démarche collective, elle implique généralement la mise en place de règles.
En l'absence de telles règles, règne la loi du plus fort ou « loi de la jungle ».
Une alternative à la loi du plus fort apparaît lorsque plusieurs personnes se réunissent pour établir des règles puis les faire appliquer. En effet, en coopérant à plusieurs et en étant suffisamment nombreux, on est plus fort qu'un éventuel « gros bras », voire une bande de gangsters.
L'autorité résultant de ce groupement peut être appelée État au sens large. Le plus souvent, ce terme concerne plus spécifiquement un vaste territoire (royaume, république, fédération...) correspondant souvent à une nation (ensemble de personnes se distinguant par une origine ou une culture commune)..
Lorsque l'ensemble des individus qui font les règles et/ou les font appliquer ne correspond pas à l'ensemble des individus auxquelles elles s'appliquent, on dit de l'État qu'il possède une structure hiérarchique.
Plus généralement, nous dirons qu'il y a hiérarchie lorsqu'un État accorde à des personnes précises, le droit d'imposer certaines choses à autrui sans avoir à fournir d'explication indépendante de ce droit.
Dire « je suis libre » n'a pas beaucoup de sens : nous sommes plus ou moins libres. La liberté n'est donc pas un état, mais une grandeur.
A priori, la liberté semble être proportionnelle au nombre de choses que l'on peut faire. Mais la situation est un peu plus complexe que ça..
En pratique, tout ou presque est possible mais peut être plus ou moins difficile ou improbable.
Ma liberté croît donc avec le nombre de choses que je peux faire mais aussi avec la facilité et la sûreté avec laquelle je peux les faire. Je suis d'autant plus libre que je peux faire de choses et que je peux les faire facilement et en prenant moins de risques.
De plus, ce qui m'importe n'est pas cette liberté « absolue », mais la facilité de faire les choses que je désire, et ce, d'autant plus que je les désire fortement et que leur privation me ferait souffrir.
Nous définirons la liberté « pratique » comme l'inverse de la contrainte totale définie comme suit. À chaque possibilité correspond une probabilité, un coût (qui représente la difficulté et le risque), et un besoin (ma souffrance si je ne parviens pas à la réaliser). La contrainte totale est la somme des rapports « (Coût × Besoin) / Probabilité ».
En somme, je suis d'autant plus libre que je peux faire facilement et sûrement les choses qui m'importent.
Globalement, les règles imposées par un État, imposent des contraintes. Lorsque celles-ci visent à augmenter la liberté de chacun par rapport à la loi de la jungle, nous parlerons d'un État de droit.
C'est ainsi que certaines règles sont la garantie de satisfaction de certains besoins ou désirs. On parle alors, les concernant, de droit.
Une règle peut encore imposer certaines choses. On parle alors de devoir.
Vu que l'État n'est pas une entité abstraite et « extérieure », mais comprend des êtres humains, il ne peut y avoir de droit sans devoir : certains doivent faire ce qu'il faut pour que les droits soient assurés...
La notion de droit peut être illusoire dans la mesure où il n'existe pas de garantie absolue. Les droits tendent simplement à être assurés dans l'exacte mesure où les devoirs correspondant sont respectés.
Ainsi, un État de droit s'efforce de faire appliquer des devoirs pour assurer des droits.
Un devoir ne s'oppose qu'à la liberté de ceux qui n'y obéissent pas spontanément (parce qu'ils n'en comprennent pas l'intérêt, par exemple).
C'est par un choix judicieux de droits et de devoirs que la liberté de tous peut être globalement optimisée.
Elle l'est d'autant plus que les droits correspondent à des besoins humains fondamentaux (comme se nourrir, être en bonne santé, communiquer etc.) et que des devoirs permettent la réalisation de ces besoins avec un minimum de contrainte.
Certains États ont tendance à proclamer de nombreux droits sans se donner les moyens de leur application. La liberté au sein d'une société ne se juge évidemment pas à la liste des droits qu'elle revendique, mais au nombre et à la nature de ceux qui sont effectivement réalisés, d'une part, et à la faiblesse des contraintes induites par devoirs correspondants, d'autre part..
La propriété privée est une règle particulière pouvant être établie par un État. C'est donc le fruit d'une convention sociale, et non pas d'une réalité naturelle préexistante.
La propriété privée est le droit de priver autrui de l'utilisation d'une chose, y compris arbitrairement : il n'est pas nécessaire de donner d'explication pour cela.
Plus exactement, ce droit est accordé à une personne donnée. Cette personne est alors appelée « propriétaire » (de la chose), tandis que la chose est appelée « propriété » , « possession » ou simplement « bien » (de la personne).
Donc, si quelqu'un refuse de se faire priver d'une chose par son propriétaire, par exemple en l'utilisant contre l'avis de celui-ci, l'État intervient pour le punir ou l'en empêcher (puisque c'est un droit). Cette infraction est appelée « vol ».
La propriété privée n'est pas le droit d'utiliser, puisqu'il n'est interdit à personne d'utiliser quelque bien que ce soit : il suffit que le propriétaire éventuel soit d'accord. De plus, si pour une raison technique, le propriétaire ne parvient pas à utiliser son bien, l'État n'intervient pas pour l'aider... il n'intervient que pour aider à priver.
Ce droit est un pouvoir hiérarchique : il permet une contrainte sur autrui de la part de son bénéficiaire.
Il est même rétroactif en ce sens que si quelqu'un a utilisé un bien sans en demander l'autorisation à son propriétaire (parce qu'il était absent, par exemple), ce dernier peut demander à l'État de punir cet utilisateur.
Nous qualifierons de « privatiste », un État dans lequel ce droit existe, particulièrement s'il tend à se généraliser.
La propriété d'un bien est un droit pour une seule personne mais entraîne, de fait, une contrainte ou un risque pour toutes les autres : l'obligation de demander au risque de se voir puni pour utilisation non acceptée par le propriétaire. Nous allons voir que dans les faits, le risque de refus (ou de punition) est même important...
La propriété privée répond à un besoin de gestion des conflits : que faire lorsque deux personnes veulent utiliser simultanément un même bien de façon exclusive ? Par exemple : manger une même pomme. La propriété établit une règle dont le respect limite les conflits. Évidemment, si certains possèdent tout et d'autres rien, elle limite peut-être les conflits en théorie, mais peut faire mourir une partie de la population, ce qui n'est pas forcément très « fraternel ».
Un État peut tout aussi bien établir d'autres règles. Par exemple, la règle de partage obligatoire : si deux personnes trouvent une même pomme, elles en mangent chacune la moitié. Si je suis tombé sur un « gros bras » qui n'a pas été équitable avec moi, je pourrai ensuite le dénoncer à la justice (qui me protégera également d'éventuelles représailles !) Tout, comme, en régime privatiste, je peux faire condamner quiconque a usé d'un de « mes biens », contre mon avis.
Par « partage », nous sous-entendons ici : partage équitable.
Le partage obligatoire, n'est ni plus ni moins contraignant que la propriété privée, c'est une règle différente.
L'équité n'a aucune raison de ne concerner que la consommation. Ainsi, il est compréhensible que celui qui a trimé pour obtenir une récolte, en semant, bêchant, arrosant etc. voit d'un mauvais œil un maraudeur qui se sert dans le champ dont il s'est occupé. Le maraudeur partage peut-être la récolte, mais pas le travail correspondant. Il n'y a pas équité.
Un État pourrait donc garantir un droit d'équité, au lieu de garantir un droit de priver. C'est un choix collectif, il appartient à chacun d'entre nous. Se déconditionner de certains concepts en les analysant objectivement est souvent nécessaire pour accroître sa créativité et son efficacité.
Si cette règle est un devoir pour chacun, elle implique aussi un droit pour tout le monde : le droit à une juste part des ressources, à une juste rémunération de son travail, contrairement au droit de priver...
Le système « privatiste » ne garantit pas, a priori, la satisfaction de besoins fondamentaux. Il crée seulement une nécessité pour qui veut satisfaire sûrement ses propres besoins : posséder certains biens.
A priori, en système privatiste, je suis d'autant plus libre que je possède de choses et que ces choses m'aident à satisfaire des besoins fondamentaux.
Ceci est d'autant plus le cas que la propriété privée s'est généralisée, c'est-à-dire : qu'il existe moins d'objets sans propriétaire. Posséder une chose tend alors à devenir la seule garantie de pouvoir l'utiliser.
Ce n'est pas la règle de propriété privée qui est une source de liberté : elle limite au contraire l'usage des biens : chacun est dépendant d'une personne précise pour pouvoir jouir de chaque bien : son propriétaire. C'est le fait, dans le cadre de ce système, d'être soi-même propriétaire qui permet d'être un peu moins contraint. Le fait que nous soyons naturellement focalisés sur nos propres biens (parce que précieux pour nous) en oubliant le système dans lequel nous sommes plongés (parce qu'omniprésent) peut faire illusion...
Le droit de priver crée également une relation de type hiérarchique : si je veux utiliser un bien qui ne m'appartient pas, je dois demander à son propriétaire, qui est souverain : c'est son avis qui a force de loi.
Lorsqu'un propriétaire permet l'usage d'un de ses biens, on dit qu'il le prête.
La propriété n'est toutefois pas le droit de prêter, au sens de permettre l'utilisation d'un bien, de ne pas s'y opposer. Tout le monde, en effet, peut « ne pas s'opposer » à l'utilisation d'un bien. Ce que le propriétaire est seul à pouvoir faire en bénéficiant pour cela du soutient de l'État est de priver... de cette utilisation.
On comprend que, dans un tel système, la propriété soit particulièrement désirée : elle permet non seulement de satisfaire ses besoins, mais constitue encore un pouvoir qui peut être recherché en tant que tel, voire un statut social...
L'attachement à ses biens, la peur de leur perte ou de leur dégradation, entraîne souvent une possessivité jalouse aboutissant au refus de prêter. Il s'ensuit une augmentation de la contrainte globale, tant pour les non-propriétaires du bien (par réduction de probabilités), que pour son propriétaire (par augmentation des besoins).
Reste la question critique de savoir comment est attribué ce droit, comment sont distribuées les propriétés.
Une répartition équitable de celles-ci permettrait, faute d'éliminer la peur et les rapports de force, du moins, de garantir à chacun, la satisfaction de besoins fondamentaux. Elle accroîtrait la liberté globale.
Suite : II Le permis de permettre
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