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Ukratio, pour une société vraiment plus juste, durable et fraternelle
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Ou encore : voir cette présentation très concise (mais plus aride !)

Qu’est-ce que l’ucratie ?

Une utopie

Étymologie : gouvernance et utopie

Eh bien, regardons un peu comment est construit le mot.

Il se termine par « cratie », comme beaucoup de mots désignant un mode de gouvernance (démocratie, autocratie...) On est dans l’ordre du politique, la gestion de la cité. Et en effet, l’ucratie est un mode de prise de décision collective.

Quant au « u » qui précède, il se retrouve dans utopie. Terme qui, dans son sens originel, désigne une société, sinon idéale, du moins, bien meilleur que ce que tout ce qui se fait au moment de sa conception. Et en effet, ce mode de prise de décision qu’est l’ucratie permettrait une société qui serait radicalement meilleure que tout ce qui a pu exister jusqu’à présent. Bon, c’est du moins mon avis, à vous de vous faire le vôtre une fois que vous saurez plus précisément de quoi il s’agit, ce qui ne saurait tarder...

Une polysémie malheureuse

Une utopie, c’est aussi une société qui est conçue pour être meilleure.

En effet, lorsque l’on prend la peine de lire des romans utopiques, on voit que ce qui est proposé est assez réaliste, que l’auteur y croit. Par exemple, dans le roman qui est à l’origine du mot « utopie », ‘utopia’, écrit par Thomas More au XVIème siècle, on voit des gens qui vont travailler aux champs, sauf qu’on s’aperçoit qu’il a prévu des sortes de caporales qui vérifient qu’il n’y ait pas de tire-au-flanc. Vous vous apercevez qu’il a également prévu qu’il y ait des gens qui se conduisent mal, qui ne respectent pas les règles, et qu’ils soient sanctionnés. En l’occurrence, ils deviennent esclaves. Et si un esclave se conduit mal, me direz-vous ? Eh bien, il est condamné à mort. Bon, là, on ne rigole plus, mais au moins, vous voyez qu’on est loin de l’idée que l’utopie serait une espèce de monde parfait constitué de bisounours.

Et vous voyez que nous sommes loin de l’autre sens, vulgaire, du terme, de projet irréaliste, voire impossible. Ce double sens, qui implique, par amalgame, le rejet de toute innovation sérieuse dans le domaine social, nécessairement importante, arrange surtout les conservateurs.

Bref, une utopie est donc une société pensée pour bien fonctionner.

Importance de la réflexion et de la prise de hauteur

Et à ce propos, je voudrais insister sur l’importance de la réflexion préalable. Il y a de nos jours, une sorte de glorification hâtive, je trouve, de l’action. Ce qui est bien est d’être dans l’action, dans le concret.. Je suis désolé : pas forcément. Prenez les jihadistes qui coupent des têtes, ou foncent sur la foule… ils sont dans l’action, c’est très concret… c’est bien ? Non, bien sûr ! Si on ne veut pas faire de bêtise, agir dans le bon sens, et de préférence, efficacement, il faut commencer par réfléchir un minimum.
Je rappellerais ici la formule célèbre, de Kurt Lévin, « il n’est rien de plus pratique qu’une bonne théorie », et je la paraphraserais en soutenant qu’« il n’est rien de plus réaliste qu’une bonne utopie ».

En particulier parce qu’il y a dans cette démarche une prise de hauteur. Un problème qui freine le progrès, est le fait d’avoir le nez sur le guidon et de ne raisonner qu’avec les catégories du système où l’on se trouve.

Et donc, là encore, l’ucratie, est bien aussi une utopie dans ce sens, de projet réaliste, parce que bien pensé en prenant suffisamment de hauteur, et conçue de façon à fonctionner efficacement, avec des humains réels, bien entendu.

Raison et progrès

La réflexion, il est vrai, pour être efficace, doit d’être rigoureuse, ce qui manque trop souvent, je trouve, dans le domaine politique.
C’est donc à une telle réflexion que je vous invite (qui nous permettra de découvrir ce qu’est précisément l’ucratie). Et je vous préviens, cet exercice n’étant malheureusement pas très habituel, vous risquer de faire de véritables découvertes, allant à l’encontre d’idées reçues… c’est comme ça qu’on progresse, en faisant confiance à sa propre raison (et non pas à ses idées reçues, on ne sait d’où).

D’ailleurs, nous en avons déjà dénoncé une, d’idée reçue… à propos de l’utopie. Mais ce n’est pas fini.

Une acratie

Une cause

Pour commencer, il importe de bien identifier les causes majeurs des problèmes auxquels nous sommes confrontés ; plus précisément ici, puisque nous allons concevoir une organisation sociale, les causes qui résident dans l’organisation sociale. Or, il en est une dont la nuisance est absolument considérable.

Et comme vous pouvez vous en doutez, l’ucratie élimine cette cause.

Approfondissements étymologiques

Et en effet, revenons un instant, sur l’étymologie.

En grecque, « kratos » signifie le pouvoir de domination (plus exactement). Ainsi, dans « autocratie », une seule personne domine, tandis que dans démocratie, c’est normalement, le peuple, l’ensemble des citoyens.

Dans le mot « utopie », le u est un privatif. « topos » signifiant « lieu » en grec, une utopie est donc étymologiquement un non-lieu.

Alors c’est là que des petits malins vont dire : vous voyez : c’est pour dire que ça n’existe nulle part, donc que c’est impossible. Pas du tout. Il s’agit, dans le roman de Thomas More, du nom d’une île. Dans ce roman, un marin, revenant d’une lointaine expédition, relate ce qu’il a vu sur cette île. Du coup, certains pourraient prendre ça au premier degré et être tentés de monter une expédition pour retrouver cette île. L’auteur du roman, a sans doute voulu signifier par cette appellation, que cette île était évidemment fictive, que l’utopie était une société qu’il s’agissait de construire, peut importe où...

D’où un autre sens de l’ucratie : « absence de pouvoir de domination ».

Et en effet, une ucratie est bien un mode de prise de décision sans un tel pouvoir.

Le pouvoir de domination

Mais que faut-il entendre exactement (puisqu’il s’agit d’être rigoureux, je rappelle) par « pouvoir de domination » ?

Et bien, le fait, qu’une personne, dans un domaine donné, peut imposer son avis aux autres, simplement parce qu’elle est « supérieure hiérarchiquement », autrement dit, de facto, c’est elle qui décide, à l’exclusion des autres. On peut parler également de pouvoir discrétionnaire : la décision est à sa discrétion, elle n’a pas de compte à rendre, sa volonté est l’ultime référence.

Remarquons que ce pouvoir de domination n’est qu’une convention sociale… un mode d’organisation. Donc, quelque chose de facile à changer...

Des synonymes ?

Certains remarquerons peut-être, qu’un terme désignant cela, l’absence de pouvoir de domination existe déjà, et il y en a même plusieurs ! Existe, en effet, le mot « acratie » (le « a » étant également privatif). Mais aussi, en plus connu, mais au combien galvaudé, l’anarchie. Donc, non, l’anarchie n’est pas le désordre, ça, c’est une confusion qui arrange bien les partisans du pouvoir. Et l’anarchie n’implique donc pas forcément l’absence de lois, de police, ce n’est pas, forcément, cette société idéale, où il n’y aurait pas besoin de contrainte parce que tous les hommes seraient fondamentalement bon. Soyons précis (ce qui est le b-aba d’une pensée rigoureuse). Une société sans règle, ça s’appelle une anomie, c’est autre chose. D’autant que des règles peuvent être mises en place pour empêcher la formation de pouvoirs domination, justement…

Il existe encore un autre synonyme, auquel on ne pense pas forcément ici. Si personne ne domine personne, on peut dire que c’est tout le monde, qui dirige, le peuple. Et là vous avez deviné le synonyme auquel je pense : « démocratie »… Mais celui-là aussi a été bien galvaudé… Quand on parle de démocratie, c’en est pas, en général… la vraie ce serait ça...

Donc, puisque ces termes existent déjà, ce serait idiot d’en créer un qui signifie la même chose, et en effet, si l’on peut dire d’une ucratie que c’est une acratie, il s’agit en réalité de quelque chose de plus précis. Le « u » a une autre signification, que nous allons voir tout à l’heure.

Le problème de la domination

Mais pourquoi, tout d’abord, opter pour une acratie, me direz-vous, et bien tout simplement parce que le pouvoir hiérarchique, discrétionnaire est la source de nuisances importante que j’évoquais tout à l’heure. Pourquoi ?

Une réduction de liberté

Tout le monde pense, bien sûr, au premier problème que pose, fondamentalement, la hiérarchie de pouvoir : une réduction globale de la liberté. Je dis globale, parce que pour le chef, celui qui bénéficie de cette hiérarchie, sa liberté n’est absolument pas réduite, au contraire, mais c’est au détriment des autres. Et comme les autres sont bien plus nombreux, forcément, on a bien une réduction de la liberté moyenne.

De plus, le chef, pour marquer son autorité, a parfois tendance à en rajouter, dans la contrainte. Aussi, pour ne pas perdre son pouvoir, il va souvent réprimer toute velléité d’opposition, et de fait, la liberté d’expression. C’est ce que j’appellerai la dérive tyrannique.

Une source de conflits

Mais il y a d’autres problèmes, plus importants.

Comme dans une telle société, hiérarchique, chacun est globalement privé de liberté, chacun cherche avidement à en acquérir plus (peut-on reprocher à l’homme de chercher pus de liberté?) Sauf qu’il va le faire par le seul moyen à sa disposition pour cela, ici : acquérir du pouvoir de domination (grimper, comme on dit, dans une ou plusieurs hiérarchies). Et comme, par construction, ce pouvoir n’est pas partageable, il en résulte des conflits.

Mais il n’y a pas que ça.

Une source d’égoïsme

Ce qui détermine nos actions, ce sont des désirs, au sens large. Sauf qu’on en a en général plusieurs, qui peuvent être contradictoires. Lequel l’emporte ? Eh bien celui qui est le plus fort. Or, dans une société où la hiérarchie est très présente, et donc, la liberté très faible, le désir de pouvoir est très fort. Au point qu’il va l’emporter sur d’autres, et en particulier, sur le souci d’autrui, le respect de l’environnement… D’où un comportement nuisible, que l’on peut qualifier typiquement d’égoïste. L’égoïsme ce n’est pas le fait de penser à soi, c’est le fait de négliger l’intérêt autrui, le bien commun. D’où la principale conséquence du système hiérarchique, à condition qu’il soit très présent, qui est un accroissement considérable de l’égoïsme. Je ne suis pas sûr que beaucoup de gens ont conscience de ça.

D’où tout un tas de nuisance : non seulement les conflits vont être violents, mais des gens vont être exploités, le bien commun dilapidé etc.

L’abondance des dominations

Ce tableau devrait vous rappeler quelque chose, malheureusement.. et ça n’a rien d’étonnant, car en effet, aujourd’hui, les pouvoirs de domination sont très répandus, bien plus qu’on ne le pense généralement.

La principale domination est cachée

Tout le monde pense au pouvoir politique, le roi, le président… mais cela ne touche généralement pas, directement du moins, la plupart d’entre nous, dans notre vie quotidienne. Ce qui nous touche plus quotidiennement, c’est le pouvoir économique. Il y a bien sûr, le rapport patron employé, qui est, par définition, hiérarchique, la structure hiérarchique au sein de l’entreprise. Et qui est au sommet ? Non pas le PDG, comme on pourrait le penser naïvement. C’est l’assemblée des actionnaires (pour une grande entreprise), bref, les (ou le) propriétaire (plus généralement).
Et en effet, qu’est-ce que la propriété, par définition ? C’est le pouvoir qu’à une personne, de décider seule, pour toutes les décisions concernant l’usage du bien (dont elle a la propriété), d’imposer, dans ce domaine, son avis aux autres. C’est bien un pouvoir discrétionnaire, hiérarchique. Voilà qui mérite, je pense, d’être rappelé. On peut même remarquer que c’est le possesseur qui décide de son successeur, il s’agit, tout à fait objectivement, si on utilisait le même vocabulaire que dans le domaine politique, d’une monarchie absolue…

La possession est bien liberticide

Certes, on voit bien les conséquences de ce pouvoir économique, en terme de compétition, d’égoïsme, mais pas toujours en terme de réduction immédiate de liberté. Pourtant, imaginons que la propriété soit abolie : nous pourrions alors utiliser librement tous les biens (qui aujourd’hui, pour la plupart, sont la possession d’autres personnes), on pourrait les utiliser sans l’obligation de demander l’autorisation à quelqu’un, donc, en l’occurrence, le propriétaire, qui de plus, sauf rapport particulier avec nous, ne nous l’accordera pas (l’autorisation), par peur qu’on abîme son bien, qu’on ne le lui rende pas.

Oui, mais, me dira-t-on, que se passera-t-il si deux personnes souhaitent utiliser le même bien au même moment.

Alors, tout d’abord, cette éventualité ne sera pas si fréquente que ça, s’il y a suffisamment de biens pour un usage donné, ce qui est largement le cas dans notre société d’abondance matérielle ; mais supposons que cela se produise. Eh bien, on peut mettre en place un système de réservation, par exemple. Donc, je devrais peut-être attendre mon tour, tandis qu’aujourd’hui, un tel tour n’existe même pas, nous sommes de fait, privé de la plupart des biens. Bref, il y aurait plus de liberté (à condition de s’organiser intelligemment, bien sûr, j’y reviendrais).

Une illusion qui emprisonne

Pourtant, pour bien des gens, la possession (qualifiée de propriété) est associée à la liberté, au contraire, et ils y tiennent pour cette raison. L’illusion dont ils sont victime vient précisément de l’emprise du système actuel. Dans ce système, nous sommes a priori privés de liberté (sans qu’on s’en rendre compte parce que la possession est présentée comme quelque chose de naturel), et le peu de biens que l’on possède y représente, tout naturellement, le peu de liberté dont nous disposons, de sorte que nous y vivons dans la peur de perdre nos bien. Et c’est là que, le nez sur le guidon, ayant oublié de prendre un minimum de hauteur, certains ne voient pas plus loin que « on va me prendre mes biens »... Ils confondent leurs possessions, dans le cadre du système possessiviste, avec le système possessiviste lui-même. Or, si la première représente un accroissement liberté relatif, le second correspond bien à une réduction de liberté, dans l'absolu. On retrouve là l’importance de sortir du cadre dans lequel nous sommes plongés, mais aussi de l’emprise des émotions, d’accéder à un minimum de sérénité, pour pouvoir penser efficacement, de façon à pouvoir accéder à autre chose, en l’occurrence : à plus de liberté, ironiquement…

Et attention aux amalgames, également, la possession ce n’est pas le droit d’usage, bien sûr…

Cela dit, il y a une chose à laquelle il faut faire attention ici : je parle de supprimer tout pouvoir hiérarchique, pas seulement la possession. Parce que si l’on supprime la possession et qu’il subsiste un pouvoir hiérarchique, je ne serai toujours pas libre. De fait, c’est le chef qui devient le possédant… Et ça, c’est encore pire… en particulier à cause du risque de dérive tyrannique. Et c’est souvent ce qui s’est produit dans les expériences de mise en commun du passé, ce que l’on a appelé le « communisme ». Du coup, certains risquent de faire l’amalgame. Attention. Il faut bien veiller à supprimer tous les pouvoirs de domination, ce qui n’est pas si difficile que ça puisqu’il ne s’agit que de quelques conventions sociales…

Conséquences de la domination

Bref, cette parenthèse pour rappeler l’abondance de la hiérarchie dans nos société (généralement sous estimée parce qu’on oublie que la possession en est une). Et du coup, on comprend mieux l’étendu et la gravité des problèmes dans le monde actuel :

- les guerres, partout motivées par l’aspiration au pouvoir (politique ou économique, individuel ou collectif (comme la propriété d’une terre par un peuple)…),
- les nuisances environnementales (pour la plupart dues à l’appât du gain),
- l’importance de la criminalité (qui ne représente que la part illégale des comportements nuisibles), criminalité qui s’explique par le fait que ce désir de pouvoir (essentiellement économique, ici) est tel qu’il l’emporte non seulement sur la compassion et le respect (qui nous feraient agir spontanément dans le sens du bien commun), mais aussi sur la crainte d’une éventuelle sanction, ce pourquoi dans une telle société, les lois et la répression ne suffisent pas à régler les problèmes (ça c’est encore une grande illusion) ;
-l’oppression, bien sûr,

On peut trouver encore plein de trucs, j’évoquerais juste pour terminer, un truc basique, une souffrance certes légères, mais au combien répandue : la peur… de perdre son pouvoir en générale, et ses biens, en particulier.
De sorte que sont non seulement les pauvres, qui pâtissent du système possessiviste, mais les riches également… En fait, dans ce système, chacun est tourmenté par des considérations matérielles, pour sa survie, sa sécurité… qui n’auraient plus lieu d’être dans une organisation plus démocratique, et donc, plus sécurisée pour tout le monde.

Bref, vous comprenez mieux, maintenant, je pense, tout l’intérêt qu’il y aurait à trouver une organisation non hiérarchique viable, car on agirait vraiment à la racine des maux.

Les alternatives classiques

Mais comment cela pourrait-il fonctionner ? Car là est le problème, car pour l’instant, en dehors de l’ucratie, il n’y a pas de solutions convaincantes, comme on va le voir.

Le consensus

L’idéal, tant qu’à faire, est que ce soit une société avec un maximum de liberté, et pour ça, il suffirait que tout le monde soit d’accord, sur les décisions à prendre. C’est vrai que les gens ne sont évidemment pas d’accord sur tout, à un moment donné, mais on peut essayer de se mettre d’accord, par la discussion… C’est le système de la prise de décision « au consensus » ou à l’unanimité… (la différence entre ces deux notions étant assez subtile)

Mais vous voyez bien le problème que ça pose : même en discutant, c’est pas souvent qu’on parvient à se mettre d’accord… surtout si on est nombreux… Si chacun dispose d’un droit de veto, sur un grand nombre, il y aura toujours quelqu’un pour l’exercer, pour quelque motif parfaitement irrationnel : une incompréhension, le besoin de manifester son existence etc.

Ce système se traduit par l’absence de prise de décision, le blocage (il y a plein d’exemples historiques qui l’attestent). On peut dire aussi, qu’il y a bien une décision qui est prise de fait : « ne rien faire ». On a donc un système qui, implicitement, favorise les plus conservateurs, ce qui n’est pas juste. Là encore, on peut avoir une illusion de la liberté, si on se place dans la peau de celui qui ne veut pas d’évolution, et qui peut toujours y opposer son veto. Par contre, si on se place dans la peau de celui qui voudrait faire évoluer quelque chose, sa liberté est quasi nulle…

Et même dans le cas d’un petit groupe homogène, où les décisions peuvent se prendre ainsi, on voit bien que ce système favorise les plus intransigeants, les meilleures orateurs, ou manipulateurs… ce qui n’est pas très juste non plus.

La majoritocratie

D’où l’autre alternative, bien connue, à la hiérarchie de pouvoir, la majoritocratie. Faute d’accord, on vote, et l’avis majoritaire est adopté. On parle parfois de « démocratie », mais cette appellation est quelque peu fallacieuse, puisque, signifiant « le peuple au pouvoir » et chacun s’identifiant au peuple, dont il fait partie, elle donne l’illusion à chacun d’être libre, alors que si son avis est minoritaire, ce n’est pas le cas...

On voit donc, déjà un inconvénient de ce système, en terme de liberté individuelle, puisqu’ une disposition répugnant fortement à une minorité, pouvant aller jusqu’à pratiquement 50%, peut être adoptée, mais il y en a d’autres.

Tout d’abord, comme dans le cas précédent, il s’agit de réunir tout le monde pour chaque décision, ce qui est un peu lourd et coûteux. Ça va, si ça ne concerne que quelques décisions peu fréquentes, mais si on veut étendre le système aux décisions économiques, très nombreuses et techniques, c’est carrément exclu (on manquerait tout simplement de temps).

Mais il y a autre chose que l’on oublie souvent, c’est que la décision peut nuire à la majorité elle-même… si elle est mauvaise. On peut très bien, soi-même prendre une décision que l’on regrette ensuite, une mauvaise décision ; Et ce risque est d’autant plus grand que l’on aura peu ou incorrectement réfléchi avant de la prendre, et tout ça prend du temps. Or, dans une majoritocratie, du fait du grand nombre de décisions à prendre par chacun, chacun dispose de peu de temps pour chacune (du moins, rien ne l’oblige à y consacrer le soin nécessaire, les avis ne sont pas forcément très pertinents).

Cette dernière objection (à la majoritocratie) soulève cependant une question: que peut bien signifier cette notion de bonne ou mauvaise décision, en particulier, dans le cas qui nous occupe ici où un grand nombre de personne sont concernées … « bonne ou mauvaise » pour qui ?… On voit que ce concept n’a de sens que s’il existe une éthique commune, suffisamment universelle, sur la base de laquelle on convient de décider.

Une éthique universelle

Ça existe ?

Une telle éthique existe-t-elle ?

On peut en douter quand on voit la diversité des éthiques existantes, diversité qui semble irréductible tant que l’on fonde l’éthique sur des habitudes culturelles ou des croyances, lesquelles comportent forcément une part d’arbitraire. Une éthique universelle doit se fonder sur quelque chose qui est commun à tous les hommes, que tous les hommes recherchent.

Or, tous les humains recherchent le bonheur. Je parle du bonheur au sens large, bien sûr : de satisfaction, de bien-être, pas forcément matériel.
Supposons, en effet, que l’on parvienne à montrer qu’une décision donnée accroisse, le bien-être de tout le monde, son bien-être moyen sur le long terme (pour être plus précis)… qui va voter contre ?
Certes cette éventualité est peu fréquente, mais on peut aller plus loin. Supposons qu’elle n’accroisse le bien-être que de quelques-uns, sans décroître celui de personne (on suppose qu’il n’y a pas de mesure concurrente qui accroisse le bonheur de plus de monde et/ou plus fortement)… qui est contre ? Le motif d’être contre ne serait pas très avouable, en tout cas.

L’utilitarisme historique

Il semble donc que l’on puisse établir une éthique humainement universelle, selon la formule « le plus grand bonheur possible du plus grand nombre possible ». éthique qui a été baptisée, à la fin du XVIIIème siècle, « utilitarisme », en référence à la notion d’utilité publique, et par opposition aux morales dogmatiques.

Cette appellation n’est pas très heureuse selon moi, car il n’est pas question de privilégier l’utilitaire, ni l’utilité en général, mais bien l’utilité pour le bonheur.
Ensuite, il est vrai que sur le fond, l’utilitarisme, tel qu’il a été proposé, à la fin du siècle des lumières, prête le flan à un certain nombre de critiques.

Le problème de la moyenne

Premièrement, cette formule du plus grand bonheur possible est un peu vague. On peut être tenté de considérer le bonheur moyen, ce qui a été fait, historiquement.
Mais supposons, qu’on ait la possibilité d’accroître considérablement le bien-être de certains en décroissant celui d’autres, plus légèrement, de sorte que ça augmente le bonheur moyen. Qui est pour ? Je ne pense pas que la plupart des gens soient d’accord avec ce genre de sacrifice, on a tendance à privilégier la réduction de la souffrance.

D’où l’idée de ne pas comparer, lors du choix entre deux options, les sommes (ou moyennes) des bien-être, mais les bien-être individuels les plus faibles. En même temps, ça simplifie les calculs. D’où une éthique plus précise, exploitable et universelle, que l’on pourra appeler éthique de la moindre souffrance, ou encore « utilitarisme solidaire », et dont on pourra résumer l’objectif par « le plus grand bonheur équitable possible ».

Le problème de la prévisibilité

Une autre objection concerne la prédictibilité des conséquences des décisions. Comment prévoir l’influence d’une action sur le niveau de bien-être, qui plus est, à long terme, de tous les humains, voier de tous les êtres sensibles (puisque c’est bien de cela dont il s’agit). Bien sûr, on ne peut être certain de rien concernant le futur, mais tout de même, on peut parfaitement évaluer des probabilités, accepter une certaine imprécision. Cela permet déjà de régler de nombreux cas.

Supposons par exemple que vous rencontriez une personne en train de mourir de faim et que vous disposiez de beaucoup de nourriture. Allez-vous rester sans rien faire sous prétexte que « l’on ne peut prévoir exactement les conséquences de chaque action » ? L’utilitariste solidaire va bien entendu sauver la vie de l’affamé. Qui est du côté du délire intellectuel et qui est du côté du bon sens, là ?

Le problème de la subjectivité

Ensuite, on peut également s’interroger sur la quantification de cette notion de bien-être, a priori bien subjective. Or, il n’est pas nécessaire d’associer une valeur numérique à chaque bien-être, on peut simplement les classer.
Par exemple, on peut estimer prioritaire, la satisfaction des besoins humains fondamentaux, par ailleurs bien connus, sur celle de tel ou tel désir momentané. Mais on peut faire mieux que ça, encore.
Chacun a des préférences, entre différentes activités, par exemple. Pour estimer le bien-être de quelqu’un, on peut simplement se fonder sur les préférences qu’il exprime… Pas question, donc, non plus, de faire le bonheur des gens malgré eux.

Une éthique au pouvoir

Donc, grâce à cette éthique universelle, on dispose ainsi d’un moyen de juger les décisions prises, et même de décider quoi faire dans pratiquement tous les cas. Voilà, qui va nous aider à trouver un meilleur système.

Et vous avez peut-être deviné, maintenant, quel sens il faut donner au « u », de ucratie. Une ucratie est, en effet, une société où les décisions se prennent conformément à une éthique Universelle, typiquement « Utilitariste »…

C’est donc quelque chose d’assez nouveau, puisque, étymologiquement du moins, ce ne sont pas des personnes particulières qui détiennent le pouvoir (même collectivement), mais une éthique, en quelque sorte…

Un système libéral

Et du coup, on peut se poser la question du caractère « démocratique » de l’ucratie (puisque ce n’est pas, a priori, le peuple, qui décide), et surtout, de la liberté en ucratie…
Mais l’idée est que cette éthique soit partagée par tous les membres de la société, justement, puisque *universelle, de sorte que ce que chacun souhaite est que les décisions soient prises conformément à cette éthique (sinon, c’est qu’il ne la partage pas). Et si les décisions sont ainsi prises, chacun est donc parfaitement libre.

On voit, là encore, un exemple de la nécessité de sortir de certains modes de pensée qui ne se justifient que dans le cadre du système où l’on se trouve. En l’occurrence, il convient de réaliser que l’important n’est pas qui décide, mais bien comment se prennent les décisions, que ce n’est pas si c’est moi ou pas qui prend telle décision, mais si elle me convient (et j’ajouterais : à quel point, elle me convient : puisque ce n’est pas pareil si on vous impose quelque chose qui vous répugne ou quelque chose qui vous agrée). Là, en l’occurrence, en ucratie, seront prises les décisions qui maximisent mon propre bien-être dans la limite où cela ne se fait pas au détriment d’autrui, où je n’exploite personne (« plus grand bonheur équitable possible », je rappelle). Si cette éthique vous convient, votre liberté sera maximale dans une ucratie, d’autant que les décisions, comme on va le voir, seront encore mieux prises que si vous deviez toutes les prendre vous mêmes.

Mais si, les gens ne partagent pas l’éthique, me dira-t-on ?

Eh bien, tout d’abord, on n’est pas obligé d’imposer une ucratie à qui n’en souhaite pas. On peut, en particulier, parfaitement imaginer plusieurs ucraties, correspondant à des éthiques un peu différentes, chacun choisissant de s’installer dans celle qui lui convient le mieux.
Mais même si elle est imposée (comme nous est aujourd’hui imposé un certain système, d’ailleurs...), n’oublions pas qu’il s’agirait d’imposer un niveau de bien-être très élevé pour chacun, compte-tenu des progrès de la science et du bénéfice de la large coopération, permise par un tel système… Donc, il y a pire, quand même…

On peut dire aussi que dans ce système, si pour un utilitariste solidaire la liberté est totale, pour un égoïste, elle doit simplement s’arrêter là où commence celle d’autrui (ce qui correspond, figurez-vous à la définition de la liberté évoquée à l’article 4 de déclaration des droits de l’homme).
Bref, si un système mérite d’être qualifié de libéral (au vrai sens du terme, bien sûr)… c’est bien l’ucratie.

Modalités pratiques

Reste un problème important à régler, sans quoi, je n’aurais fait que vous bercer d’illusion : on fait comment, concrètement, pour être sûr que les décisions soient bien prise conformément à notre éthique ?

Nous avons vu l’impossibilité d’étendre la démocratie au domaine économique, avec les systèmes actuellement proposés (le consensus et la majoritocratie), puisqu’il est matériellement impossible que tout le monde participe à toutes les décisions (il y en a trop).

Pour régler ce problème, on peut confier la tâche de prendre une décision donnée à un certain nombre de personnes. On peut, en quelque sorte, se répartir le travail, plusieurs « jurys décisionnaires » pouvant fonctionner en parallèle, chacun traitant d’une question donnée. Ces jurés peuvent être tirés au sort, par roulement, avec l’exigence de certaines compétences si nécessaire….

Des garanties

Mais comment faire pour s’assurer que les décisions qu’ils prennent soient bien conformes à l’éthique ?
Eh bien, il suffit qu’il y ait un contrôle, par l’ensemble de la population. Grâce aux moyens de communication modernes (webcam, internet...), il est possible de faire en sorte que leurs activités soient parfaitement transparentes, que n’importe qui puisse donc vérifier la conformité de leurs délibérations avec l’éthique. Et il y aura probablement du monde pour cela, sur une population importante, en particulier : les personnes spécialement concernées par la question traitée par le jury… Il faut savoir aussi qu’on disposera de beaucoup de temps libre….

De plus, ces commissions devront justifier leurs décisions, sur la base de l’éthique de la moindre souffrance. Donc, les vérifications peuvent se faire aussi a posteriori, en consultant des archives… et une mauvaise décision pourra être sanctionnée, s’il on considère qu’il y a eu fraude ou négligence manifeste.

Si, donc, un intervenant extérieur, trouve une meilleure solution qu’un jury aurait oublié ou serait sur le point d’oublier, et bien, celle-ci devra être adoptée.

On me dira peut-être : « oui, mais, qui décide de cette adoption, de la supériorité de telle ou telle proposition extérieure ? Eh bien les membres du jury, pour commencer (s’ils sont toujours là), c’est leur boulot ! et ils seront bien forcés de l’accepter si elle se justifie, puisque tout sera public, y compris donc, les interventions extérieures et les réactions du jury, et que nous disposons d’une référence éthique précise, je rappelle, contrairement à aujourd’hui, où il est possible de jouer sur les mots pour justifier tout et n’importe quoi.
Mais supposons qu’il y ait tout de même contestation, que les partis ne parviennent pas à se mettre d’accord sur cette conformité ? Eh bien, on peut envisager alors qu’un jury dédié se charge de régler cette divergence de vue, et même qu’il sanctionne une partie qu’il jugerait de mauvaise foi ou vraiment stupide, histoire d’éviter les abus, car ce recours implique du travail supplémentaire.

On peut aussi remarquer que si beaucoup de personnes peuvent intervenir en direct dans les délibérations, celles-ci risquent d’être bigrement retardées. Eh bien, pas de problème : suffit, dans le cas d’une population importante, qu’il y ait une modération. Là encore, par une commission dédiée. Et pas de risque d’abus de pouvoir de ce côté là non plus, puisque tout est transparent… Le modérateurs devront bien sûr expliquer leurs décisions.

On m’objectera peut-être aussi que dans le cas inverse d’une ucratie appliquée sur une faible population, compte tenu du grand nombre de jurys à contrôler, il puisse arriver que personne ne surveille à temps l’activité de l’un d’entre eux, de sorte qu’une mauvaise décision serait adoptée (temporairement du moins). Eh bien, pour éliminer ce risque, on peut attribuer la tâche de vérifier le travail d’un jury donné à des personnes précises… dont on aura vérifié qu’elles n’ont aucun rapport particulier avec des membres du jury.

Bref, on voit, en rentrant dans le détail, qu’on peut disposer d’un très bonne garantie, que les décision soient conformes à notre éthique, grâce à une organisation adéquate. Rien n’est jamais parfait, mais bon, là, tout de même…

La question du pouvoir

Qu’en est-t-il du pouvoir, dans ce système ?

Le fait est qu’il n’y a pas de pouvoir discrétionnaire : puisque les avis des jurys sont contestables (et ne manqueront pas d’être contestés s’il y a lieu).
Mais surtout, le problème était, souvenez-vous, la trop grande désirabilité du pouvoir, source d’égoïsme et de nuisances. Or, là, il ne s’agit plus que d’un travail, technique, devant obéir à un cahier des charges bien précis, où il impossible de prendre une décision qui nous avantage spécialement, par définition du plus grand bonheur équitable possible…

J’ai parlé du pouvoir décisionnaire, mais tout ce que j’ai dit s’étend au fonctions exécutives, de police. Elles devront obéir à un cahier des charges et seront bien plus transparentes qu’aujourd’hui. C’est ce qui fait que je peux parler de sanctions, par exemple, sans que cela n’implique un pouvoir au sens auquel nous sommes habitués. Je ne saurais donc trop insister sur l’importance de sortir du cadre. Dans le système actuel, hiérarchique, nous avons raison d’être méfiant face à des mots comme sanction, police, surveillance… parce qu’il y a un risque d’abus important. Là ces outils seraient au contraire, la garantie de la démocratie.

Car oui, grâce à la grande transparence que je viens d’évoquer, au fait que tout le monde peut intervenir dans les décisions, on peut dire que c’est bien le peuple qui gouverne, en ucratie : nous sommes bien, étymologiquement, en démocratie. C’est le peuple qui surveillerait ses fonctionnaires, et non pas le contraire...

Et il ne s’agit pas non plus d’être violents. L’explication sera tout naturellement privilégiée, les sanctions seront aussi justes que possible : elle consisteront typiquement en un travail équivalent au coût pour la société du comportement incriminé. Un peu comme lorsque aujourd’hui vous louez un bien, vous devez payer...

Une démocratie efficace

Et de plus, on dispose ainsi d'une démocratie efficace, où les meilleurs décisions possibles se prennent dans les meilleures délais. Notons en particulier qu’il n’y a pas de blocage possible puisque les contestations éventuelles doivent être justifiées sur la base de l’éthique, et que là encore, les abus peuvent être sanctionnés.

De plus, pour gagner en efficacité, il est possible de tirer parti des moyens de calcul moderne, en particulier pour les décisions économiques (ce qui tombe bien à cause de leur nombre important). L’application de l’éthique de la moindre souffrance constitue en effet un algorithme que l’on peut faire exécuter par un ordinateur, à partir des données que sont les préférences des individus (que ceux-ci pourraient réactualiser à tout moment), les compétences individuelles, les ressources naturelles, les différentes techniques de fabrication etc.

Et là encore, le contrôle reste possible, même pour la partie informatique : suffisamment de personnes disposent des compétences suffisantes dans ce domaine, pour contrôler les programmes, refaire des calculs de leur côté etc.

On aurait donc une économie radicalement différentes, parfaitement juste, écologique… sans les inconvénients du capitalisme de marché, ni du socialisme hiérarchique...

Et maintenant ?

Sauf qu’il reste encore une chose d’indispensable, pour passer du rêve à la réalité, puisque bien sûr, si la théorie est nécessaire, elle n’est pas suffisante.

Comment on fait pour mettre tout ça en œuvre ? On fait quoi aujourd’hui ?

Il est évident que l’on ne peut appliquer l’ucratie partout du jour au lendemain. Par contre, on peut dores et déjà commencer à l’expérimenter. Au sein de nos associations (va y avoir des statuts à réécrire), de nos entreprises, et même en notre propre sein (essayer de décider plus rationnellement en direction du bien commun pour ceux que ça interpelle). Et ainsi petit à petit, la vie ne manquera pas de devenir bien plus agréable pour tout le monde, durablement.

Mais ces expérimentations ne pourront se faire que si suffisamment de gens connaissent ce projet. Si vous ne le connaissiez pas avant d’écouter la présente explication. c’est donc probablement encore le cas de nombreuses personnes.

Et ce que vous pouvez faire, là tout de suite, de particulièrement salutaire, et donc de passer le message, de diffuser l’information, ce qui ne devrait pas vous coûter grand-chose ! Car oui, l’action est importante également, et elle commence par là !

Autre présentation plus concise

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